Le 8 février 2024, l’Autorité de la concurrence a annoncé s’autosaisir pour avis sur le fonctionnement concurrentiel du secteur de l’intelligence artificielle (l’« IA ») générative, en plein développement, et lancer une consultation publique. Après avoir collecté les points de vue d’une quarantaine d’acteurs et d’une dizaine d’associations, l’Autorité a, à peine quelques mois plus tard, publié un avis attendu sur le sujet visant à offrir aux acteurs du secteur une analyse du fonctionnement concurrentiel de ce marché, qui fait l’objet « d’une attention accrue à travers le monde ».
L’avis fournit une présentation bienvenue de ce secteur au fonctionnement « complexe », de ses caractéristiques et des acteurs de la chaîne de valeur de l’IA générative. Il se concentre principalement sur les stratégies mises en place à l’amont (conception, entrainement et inférence des modèles), par les grands acteurs du numérique, visant à renforcer leur position sur ces marchés, ou à en tirer parti pour se développer dans ce secteur en plein essor.
Dans son avis, l’Autorité explique que l’IA générative nécessite trois intrants essentiels : la puissance de calcul, les données et les talents. Elle relève l’existence de nombreuses barrières à l’entrée, liées à la détention ou l’accès à ces intrants :
L’Autorité considère cependant que des évolutions techniques ou organisationnelles, de même que certaines politiques publiques, peuvent permettre de limiter ces barrières à l’entrée. C’est le cas (i) des supercalculateurs publics, utilisables gratuitement en contrepartie d’une contribution à la science ouverte, (ii) de l’émergence d’innovations technologiques réduisant le besoin en puissance de calcul et en données, tel que le recours à des données synthétiques ou à des modèles de taille réduite et (iii) du recours à des modèles ouverts (open source), que d’autres acteurs peuvent réutiliser ou spécialiser.
Dans son avis, l’Autorité relève également que certaines entreprises du numérique bénéficiant d’accès privilégiés aux intrants requis pour l’entrainement et le développement des modèles pourraient bénéficier d’avantages liés à leurs activités sur d’autres marchés numériques, non aisément réplicables par les développeurs de modèles de fondation concurrents qui n’ont pas les mêmes accès aux intrants. En effet, l’Autorité note que ces grands acteurs ont un accès facilité à la puissance de calculs (en tant que partenaires et concurrents des fournisseurs de processeurs), à un large volume de données (grâce à leurs services et à leur puissance financière notamment), à de nombreux talents (puisqu’ils proposent notamment des salaires attractifs et offrent des perspectives de travail intéressantes) et bénéficient d’avantages liés à leur intégration verticale et conglomérale (accès aux entreprises, aux utilisateurs et aux consommateurs, économies d’échelle, de gamme, ou encore, effets de réseaux de nature cumulative).
Bien que l’Autorité ne tire pas de conclusions définitives sur les définitions de marchés pertinents et le pouvoir de marché de certains acteurs, elle appelle à la vigilance quant à l’accès à des intrants clés, par ces grands acteurs du numériques, et aux avantages tirés de leur intégration verticale et conglomérale, pouvant engendrer une forte concentration à leur bénéfice et renforcer leur puissance sur des marchés liés ou connexes (publicité en ligne, moteurs de recherche etc.). Elle insiste donc sur la pertinence de mener une analyse concurrentielle sur la constitution ou le renforcement d’écosystèmes, plutôt que de se livrer à une analyse marché par marché.
Dans la suite de son Avis, l’Autorité identifie différentes restrictions de concurrence, parmi lesquelles on citera des risques d’abus au niveau des composants informatiques (tels que des comportements discriminatoires, des fixations de prix, des restrictions d’approvisionnements), des risques de verrouillage par les grands fournisseurs de services cloud, des restrictions en matière d’accès aux données (des refus ou des accès discriminatoire par exemple), ou encore, des pratiques liées à l’accès à une main d’œuvre qualifiée (tels que des accords de fixation de salaires, les accords de non débauchages dits "no-poach", le recrutements d’équipes entières ou encore, des tentatives d’exclusions).
L’Autorité s’intéresse également aux prises de participations minoritaires et aux partenariats des géants du numériques. Si l’Autorité reconnait que les investissements et partenariats entre les géants du numérique et les start-ups innovantes ne sont pas condamnables en soi, et peuvent notamment favoriser l’innovation, elle appelle ici encore à la vigilance. Elle indique en effet que ces accords et partenariats présentent des risques concurrentiels non négligeables puisqu’ils peuvent affaiblir l’intensité concurrentielle entre les entités concernées, renforcer la transparence, entrainer des effets verticaux ou encore conduire à un verrouillage de certains acteurs. Elle rappelle que ces accords et partenariats peuvent être appréhendés à différents titres par le droit de la concurrence : notification des opérations qui dépassent les seuils lorsqu’elles confèrent un contrôle de fait, appréhension sous l’angle des articles 101 et 102 TFUE, abus de position dominante collective, ou encore appréciation de la prise de participation minoritaire dans le cadre de l’analyse d’une prise de contrôle exclusif par exemple.
Enfin, l’Autorité formule dix recommandations qui ne nécessitent pas d’initiatives législatives. Pour plus de détail sur cet avis, nous vous invitons à le consulter en suivant ce lien.
En raison des spécificités et enjeux récents liés à la prise en compte des problématiques de développement durable dans l’analyse concurrentielle, l’Autorité souhaite désormais accompagner les entreprises et associations d’entreprises dans l’examen de leurs projets poursuivant des objectifs de développement durable.
Contexte juridique : l’adoption du communiqué relatif aux orientations informelles de l’Autorité en matière de développement durable
C’est dans ce contexte que l’Autorité a publié son Communiqué relatif aux orientations informelles en matière de développement durable (le « Communiqué ») le 27 mai 2024.
Par ce Communiqué, l’Autorité a invité les entreprises à saisir le rapporteur général pour l’informer de leurs projets et obtenir des orientations informelles sur ceux-ci. Cela n’est toutefois possible que si trois conditions cumulatives sont remplies :
La demande soumise au rapporteur général doit par ailleurs contenir un certain nombre de documents et informations listés dans le Communiqué tels que la description du projet, la description des activités réalisées par les demandeurs, les informations économiques pertinentes, une auto-évaluation du projet et les pièces venant au soutien de la demande.
Les demandeurs sont garantis de recevoir un retour du rapporteur général rapidement. Les délais de traitement des demandes sont en effet strictement encadrés : le rapporteur général doit indiquer aux demandeurs dans un délai d’un mois à compter du dépôt de la demande s’il compte ou non leur fournir une orientation informelle puis, dans l’affirmative, rendre sa lettre d’orientation informelle dans un délai qui ne peut excéder quatre mois.
Il est important de noter que cette possibilité d’orientation informelle ne remet toutefois pas en cause le principe d’auto-évaluation selon lequel les entreprises doivent se référer aux outils publics (jurisprudence, lignes directrices, règlements, etc.) afin d’apprécier seules, si elles le peuvent, la conformité de leurs projets aux règles de concurrence.
Enfin, le Communiqué précise que la lettre d’orientation du rapporteur général ne peut lier le collège de l’Autorité qui devra donc se faire sa propre analyse du projet dans le cas où il serait saisi d’un comportement relatif à la mise en œuvre dudit projet. Le collège de l’Autorité prendra toutefois en compte l’existence d’une telle orientation informelle dans son analyse.
Les orientations informelles du 14 juin 2024 relatives à une méthodologie harmonisée de mesure de l’empreinte environnementale dans le secteur de la nutrition animale
C’est en application du Communiqué, que le rapporteur général a rendu, le 14 juin 2024, ses premières orientations relatives à une méthodologie harmonisée pour mesurer l’empreinte environnementale dans le secteur de la nutrition animale.
Le rapporteur général de l’Autorité a été saisi par Nutrition Animale de la Coopération Agricole et le Syndicat National de l’Industrie de la Nutrition Animale, deux organisations professionnelles représentant des acteurs du secteur de la nutrition animale. Celles-ci souhaitent, en effet, mettre en place un projet de guide proposant une méthode harmonisée de calcul de l’empreinte carbone.
Le rapporteur général a considéré que leur demande était recevable et s’est prononcé sur la conformité du projet aux règles de concurrence.
Il a retenu qu’un guide comportant une méthodologie de calcul de l’empreinte carbone pouvait être considéré comme un accord de standardisation au sens du chapitre 9 des lignes directrices sur les restrictions verticales de la Commission européenne et a rappelé qu’aucune information sensible ne doit être échangée entre les concurrents. Il a par ailleurs indiqué qu’il est important que ce guide soit publié, premièrement, à titre indicatif ce qui implique que les entreprises peuvent aller plus loin que ce qui y est prévu et, deuxièmement, à titre non exclusif afin que des entreprises non-membres puissent l’utiliser. De plus, il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur le fait qu’il concerne l’empreinte carbone et non pas l’empreinte de gaz à effet de serre ou l’empreinte environnementale en général. Enfin, il a rappelé que des données scientifiques fiables doivent être utilisées pour déterminer la méthodologie et concevoir le guide.
L’article L.341-2 du code de commerce qui doit être lu conjointement avec l’article L341-2 du même code encadre strictement la validité des clauses de non-concurrence post-contractuelles figurant dans des contrat commerciaux conclus dans le secteur commerce de détail. Une clause de non-concurrence n’est valable que si (i) elle concerne des biens et services en concurrence à ceux qui font l’objet du contrat, (ii) elle est limitée aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat, (iii) elle est indispensable à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat avec ceux qui font l’objet du contrat et (iv) sa durée n’excède pas un an après l’échéance du contrat.
La loi ne définit toutefois pas ce qu’il faut entendre par commerce de détail et la question se posait de savoir s’il fallait par exemple se limiter à la définition assez restrictive de commerce de détail retenue par l’Autorité de la concurrence dans ses lignes directrices sur le contrôle des concentrations.
C’est à cette question que la Cour de cassation a dû répondre dans un contentieux opposant une société française exploitant un réseau de franchise d’agences immobilières à l’un de ses franchisés. Les contrats conclus par ces deux parties contenaient une clause de non-réaffiliation post-contractuelle aux termes de laquelle le franchisé s’engageait notamment à ne pas s’affilier à une chaine concurrente ou à en créer une lui-même dans le/les département(s) dans lequel il avait son agence ou ses éventuelles succursales pendant une durée d’un an après la résiliation du contrat. Or, après avoir mis fin aux contrats qui le liaient avec le franchiseur, le franchisé a adhéré à un réseau de franchise concurrent.
Il fallait donc déterminer si une activité d’agence immobilière pouvait entrer dans le champ du commerce de détail (sachant que l’Autorité l’exclut par exemple).
C’est au regard de la finalité des articles L.341-1 et L.341-2 du code de commerce que la notion de commerce de détail a été interprétée par la Cour de cassation. Elle estime, en effet, que l’objectif de ces textes est d’empêcher les réseaux de distribution commerciale de restreindre la liberté d’entreprendre de leurs affiliés en les dissuadant de changer d’enseigne.
De ce fait, la Cour de cassation a retenu que l’expression « commerce de détail » doit être entendue comme visant à la fois les activités de vente de biens mais aussi de prestations de services auprès de particuliers telle qu’une activité d’agence immobilière.
Cette appréciation large, par la Cour de cassation, de la notion de « commerce de détail » conduit à appliquer à de nombreux secteurs du B to C les conditions strictes de validité des clauses de non-concurrence post-contractuelles dans les contrats de distribution ou de franchise.
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