Dans un arrêt du 29 juin 2023 (C211/22), la Cour de Justice a clarifié la différence entre les notions de « restrictions par objet » (visant les pratiques qui ne nécessitent pas une appréciation des effets anticoncurrentiels tant ces pratiques sont, en tant que telles, considérées nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence) et de « restrictions caractérisées » (pratiques verticales qui retirent le bénéfice des exemptions prévues par les règlements européens 330/210 du 20 avril 2010 et 2022/720 du 10 mai 2022 relatifs aux accords verticaux). Il en ressort qu’une restriction caractérisée fait certes perdre le bénéfice de l’exemption par catégorie à un accord de prix imposés, mais que cet accord ne doit pas pour autant être considéré comme étant illégal per se.
Le litige en cause opposait la société Super Bock Bebidas SA à l’Autorité portugaise de la concurrence.
La société Super Bock, établie au Portugal et active dans le secteur de la commercialisation de la bière et de l’eau en bouteille, avait été condamnée par l’Autorité portugaise de la concurrence pour avoir fixé et imposé des conditions commerciales à ses distributeurs de manière régulière. Super Bock diffusait des listes de prix minimaux de revente, en pratique suivies par les distributeurs, et avait mis en place des mécanismes de contrôle pour s’assurer du respect, par les distributeurs, des prix minimaux de revente. En cas de défaillance, ces derniers s’exposaient à des « représailles » telles que la suppression de remises commerciales ou encore des refus de réapprovisionnement de stocks.
Estimant que ces mesures de fixation (directe et indirecte) des prix de revente des produits par les distributeurs indépendants contrevenaient aux dispositions de l’article 101, paragraphe 1 Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE ») prohibant les accords anticoncurrentiels, l’Autorité portugaise de la concurrence avait prononcé une amende à l’encontre de Super Bock. Cette décision avait par la suite été confirmée par le Tribunal de la concurrence, de la règlementation et de la surveillance portugais.
Les entreprises ont dès lors formé appel devant la Cour d’appel de Lisbonne. C’est dans ce contexte que la Cour d’appel de Lisbonne, juridiction de renvoi, a souhaité obtenir des clarifications sur l’interprétation de l’article 101 TFUE, et formulé différentes questions préjudicielles, parmi lesquelles nous retiendrons les questions suivantes :
1. La fixation de prix minimaux par un fournisseur, à ses distributeurs, est-elle en soi une infraction « par objet », ne nécessitant pas une appréciation préalable du degré suffisant de nocivité de l’accord ? 2. L’accord entre fournisseur et distributeurs visant à la fixation (verticale) de prix minimaux et d’autres conditions commerciales applicables à la revente est-il présumé présenter un degré suffisant de nocivité pour la concurrence, sans préjudice de l’appréciation des éventuels effets économiques positifs découlant de ladite pratique, conformément à l’article 101, paragraphe 3 TFUE ? 3. (i) L’envoi de listes indiquant les prix minimaux et les marges de distribution, (ii) la demande de prix de vente de la part des distributeurs, (iii) le dépôt de plaintes de la part des distributeurs – lorsqu’ils considèrent que les prix de revente qui leur sont imposés ne sont pas compétitifs ou lorsqu’ils constatent que les distributeurs concurrents ne sont pas alignés –, (iv) l’existence de mécanismes de surveillance des prix (moyens minimaux) et, (v) des mesures de rétorsion (sans démonstration de leur application concrète) sont-ils des éléments suffisants pour considérer qu’il y a eu infraction par fixation (tacite) de prix minimaux pour les distributeurs ?
Sur les deux premières questions, rappelons que l’article 4, sous a), du règlement n°330/2010 relatif aux restrictions verticales de concurrence, vise, parmi les « restrictions caractérisées » qu’il liste, la pratique de prix de revente imposés.
Dans cet arrêt, la CJUE rappelle cependant que l’article 4, sous a), du règlement n°330/2010, n’a vocation qu’à exclure les restrictions verticales identifiées du champ de l’exemption par catégorie en matière d’accord verticaux, sans que les pratiques visées ne constituent nécessairement des restrictions « par objet ».
En effet, la CJUE rappelle que la notion de « restriction par objet » doit être interprétée de manière restrictive et que cette notion ne recouvre que les pratiques qui présentent un degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence.
Le degré de nocivité suffisant est donc le « critère juridique essentiel » pour déterminer si un accord comporte ou non une restriction de concurrence par objet.
En d’autres termes, bien qu’une pratique de prix de revente imposés figure parmi la liste des restrictions caractérisées au sens du règlement européen précité, elle ne sera constitutive d’une restriction de concurrence par objet que s’il est démontré qu’elle présente un degré de nocivité suffisant sur la concurrence. Les notions de restriction caractérisée et de restriction par objet ne sont donc pas conceptuellement équivalentes.
Sans en faire l’analyse au cas d’espèce, ni déterminer un standard de preuve, la CJUE invite la juridiction de renvoi à apprécier le degré de nocivité de l’accord en cause, au regard de ses dispositions, des objectifs qu’il vise à atteindre, et de l’ensemble des éléments caractérisant le contexte juridique et économique qui l’entourent. La CJUE précise également que, dans le cadre de l’appréciation de ce contexte, la juridiction de renvoi devra également de tenir compte de la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché ou des marchés en question.
En outre, si les parties estiment que l’accord a des effets pro-concurrentiels, ces effets devront être pris en compte en tant qu’élément de contexte, au stade de l’appréciation de la nocivité de l’accord, et donc, dès sa qualification en tant que « restriction par objet ».
La CJUE précise encore que le fait que l’accord de fixation de prix relève de la catégorie des restrictions caractérisées, doit être pris en compte en tant qu’élément de contexte juridique.
Cette clarification est bienvenue dans la mesure où, ces dernières années, la pratique décisionnelle a pu avoir tendance à considérer que les prix imposés étaient une restriction par objet, sans nécessairement caractériser son degré de nocivité, au grand dam des entreprises accusées d’avoir mis en œuvre de telles pratiques. Les autorités ne devront, à priori, plus se dispenser de cette appréciation.
En outre, à l’occasion de ce contentieux, la CJUE s’est également prononcée, au titre de la troisième question ci-dessus, sur les éléments à prendre en compte pour caractériser une pratique de prix imposés et donc sur la notion « d’accord ».
A nouveau, la CJUE invite la juridiction de renvoi à apprécier les circonstances du litige, en précisant que l’accord de volonté peut résulter « tant des clauses du contrat de distribution en cause, lorsqu’il contient une invitation explicite à respecter des prix minimaux de revente ou autorise, à tout le moins, le fournisseur à imposer de tels prix, que du comportement des parties et, notamment, de l’existence éventuelle d’un acquiescement, explicite ou tacite, de la part des distributeurs à une invitation de respecter des prix minimaux de revente ».
S’agissant de la volonté du fournisseur, la CJUE précise qu’elle peut être déduite du fait (i) qu’il transmette régulièrement aux distributeurs des listes indiquant les prix minimaux qu’il détermine - et non recommandés - et les marges de distribution et (ii) qu’il leur demande de les respecter, « sous sa surveillance, sous peine de mesures de rétorsion et au risque, en cas de non-respect de ces mesures, d’appliquer des marges de distribution négatives ». On comprend donc que la simple surveillance, ne suffirait pas, contrairement encore à ce qui a pu parfois être retenu par les autorités de concurrence.
Quant à la volonté du distributeur, nous comprenons qu’elle peut être déduite du fait que les prix minimaux sont en pratique suivis pas les distributeurs, ou que leur indication est sollicitée par eux.
L’accord doit donc bien refléter l’expression de la volonté concordante de ces parties. La CJUE ajoute que l’existence d’un « accord » entre un fournisseur et ses distributeurs peut être établie au moyen de preuves directes, mais également d’indices objectifs et concordants.
Pour la deuxième fois, la Commission a accepté le 18 août dernier, comme le Règlement relatif au contrôle des concentrations l’en autorise (article 22), une demande de renvoi formulée par les autorités nationales de concurrence pour une opération qui était sous les seuils de contrôle des autorités de concurrence. Pour mémoire, cette procédure avait été mise en œuvre pour la première fois en 2022 lors de l’acquisition de Grail par Illumina (Dentons - Actualités Concurrence - Octobre 2022). Non seulement la Commission avait interdit cette opération mais elle avait aussi prononcé une amende de 432 millions d’euros à l’encontre d’Illumina pour avoir réalisé l’opération avant son autorisation par la Commission.
En l’espèce, l’Autorité de la concurrence française ainsi que quatorze (14) autorités nationales de concurrence, européennes ou non, ont formulé une demande de renvoi à la Commission européenne afin qu’elle procède à l’examen d’une opération de concentration dans le secteur des technologies de communication à longue et courte portée. Les deux entreprises parties à la procédure sont en effet leader sur ce marché en pleine expansion.
Si cette procédure n’était pas soumise à notification, ni devant une autorité nationale de concurrence, ni devant la Commission européenne, ces autorités ont estimé que cette opération pourrait avoir des effets non négligeables sur le marché. En effet, la société cible est considérée comme très innovante et pionnière dans son domaine. De plus, les autorités de concurrence qui se sont prononcées ont estimé que cette opération pourrait avoir pour conséquence de supprimer une forte pression concurrentielle entre les parties et donc d’avoir d’importants impacts sur les prix mais aussi sur l’innovation.
Il s’agit d’une illustration supplémentaire que les opérations très délicates sur le plan concurrentiel ne peuvent plus toujours passer sous le radar des autorités de concurrence européennes.
Le décret du 31 mai 2023 relatif aux modalités techniques de résiliation des contrats par voie électronique, est entré en vigueur le 1er juin 2023. Ce décret fixe les modalités qui visent à rendre la résiliation des contrats en ligne la plus simple possible pour le consommateur sans pour autant modifier les conditions générales de la rupture du contrat.
Pour mémoire dans le but de renforcer la protection des consommateurs et de faciliter la résiliation des contrats, la loi n°2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat avait consacré la résiliation par voie électronique des contrats conclus en ligne. L’article 15 de cette loi impose au professionnel qui a conclu un contrat avec un consommateur par voie électronique de lui permettre de résilier ce contrat en ligne. De plus, un consommateur qui n’a pas conclu un contrat en ligne doit également se voir offrir la possibilité de le résilier en ligne si le professionnel offre aux consommateurs la possibilité de conclure un contrat en ligne à la date de résiliation souhaitée. Ces nouvelles règles s’appliquent aux contrats en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi précitée.
En pratique, le professionnel doit mettre en place une fonctionnalité gratuite de résiliation, directement et facilement accessible via sa plateforme. Elle doit être présentée sous la mention « résilier votre contrat » ou grâce à une autre formule dénuée d’ambiguïté et peut indiquer les informations relatives aux conditions de la résiliation (délai de préavis, indemnité de rupture etc.). Le décret interdit au professionnel d’imposer au consommateur la création d’un espace personnalisé, si celui-ci n’est pas déjà créé, pour notifier la résiliation.
Après avoir vérifié les informations le concernant, le consommateur pourra envoyer la notification de résiliation en effectuant un dernier clic sur une mention « notification de la résiliation » ou une formule analogue dénuée d’ambiguïté, affichée en caractères lisibles. Le professionnel confirmera ensuite la réception de la notification et informera le consommateur de la date à laquelle le contrat prendra fin, ainsi que des effets de la résiliation sur un support durable et dans des délais raisonnables.
Les professionnels doivent être vigilants et s’assurer de la mise en œuvre effective de ce dispositif puisque le non-respect de ces nouvelles dispositions est sanctionné par une amende pouvant aller jusqu’à 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale.
Dans son communiqué du 11 juillet 2023, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (« DGCCRF ») indique avoir relevé que certains produits vendus par la société SHOWROOMPRIVE.COM présentaient de fausses promotions dans la mesure où « les annonces de réductions de prix étaient fondées sur la mise en avant de prix de référence trompeurs pour les articles vendus sur son site ».
La DGCCRF a considéré que ces fausses promotions étaient de nature à altérer le jugement du consommateur dans son acte d’achat, et étaient constitutives du délit de pratiques commerciales trompeuses. La société SHOWROOMPRIVE.COM n’ayant pas contesté les faits, la DGCCRF a en conséquence prononcé à son encontre une amende transactionnelle de 600 000 euros, en application des articles L.121-2 et L.121-3 du Code de la consommation.
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