Nous nous arrêtons ce mois-ci en Hongrie où l’Autorité de la concurrence incite les entreprises à indemniser les victimes des pratiques anticoncurrentielles en échange d’une amende réduite.
En Hongrie, l'Autorité de la concurrence a progressivement abandonné les mesures de rétorsion pures au profit d'un système sophistiqué d'outils visant à encourager la coopération des entreprises avec l’Autorité, et donc à renforcer la prévention et à encourager la proposition d’engagements volontaires. Dans les affaires d'ententes et d'abus de position dominante, la clémence partielle, la transaction et les engagements de conformité peuvent permettre de réduire les amendes jusqu'à 80 %. Cette année, l'Autorité hongroise a introduit les remèdes dits « proactifs » comme outil permettant de réduire directement le montant des amendes afin d'atténuer davantage les conséquences négatives des infractions au droit de la concurrence.
L'objet d'une mesure corrective proactive pour l'entreprise qui a commis l'infraction est d’offrir une indemnisation ou compensation partielle ou totale aux personnes ayant été affectées négativement par l'infraction. Par le passé, l'Autorité hongroise de la concurrence avait déjà considéré la compensation financière comme une circonstance atténuante lors de la fixation de l'amende. Désormais, l'indemnisation est pratiquement devenue une partie de l'amende : en échange de l'indemnisation, l'amende antitrust est réduite du montant indemnisé. L'indemnisation peut donc entraîner la suppression de la totalité de l'amende. Bien évidemment, le versement d'une telle indemnisation aux victimes des pratiques ne réduit pas nécessairement la charge financière globale de l'entreprise, il ne fait que répartir différemment la charge financière résultant de l’infraction. Néanmoins, les remèdes proactifs peuvent démontrer la bonne foi de l'entreprise concernée et atténuer l’atteinte à la réputation induite par la décision de sanction.
Un autre élément à prendre en considération lorsqu'on opte pour une mesure corrective proactive sous la forme d'une compensation financière directe est sa relation avec les procédures de marchés publics. En vertu de la loi hongroise, les entreprises condamnées à une amende pour infraction à la législation sur les ententes sont exclues de plein droit des procédures de passation de marchés publics. Afin d'éviter cette conséquence grave, les entreprises peuvent suivre une procédure dite d’« auto-nettoyage ». Cette procédure exige l'indemnisation des personnes lésées par l'infraction au droit de la concurrence.
En outre, l'Autorité hongroise de la concurrence prendra en considération l'impact de la compensation proposée sur la création d'emplois, l'accès au marché, le commerce extérieur et les recettes fiscales. Ces prises en compte ont récemment conduit à l’approbation, par l'autorité hongroise, d'une mesure corrective proactive d'un montant de 1,7 milliards HUF (environ 4,7 millions EUR) proposée par SPAR Magyarország Kereskedelmi Kft. dans une affaire d'abus de position dominante. L'indemnisation visait principalement la mise en place d'une chaîne régionale de fournisseurs, contribuant ainsi vraisemblablement à l'élargissement des opportunités pour les petits producteurs locaux touchés par le comportement abusif, et à une augmentation des emplois.
À partir de cette année, l'Autorité hongroise de la concurrence peut également prendre en considération l'impact positif des mesures correctives proactives sur la durabilité et la protection de l'environnement. Les entreprises peuvent aussi prendre des engagements qui sont – largement - sans rapport avec la violation, si ces engagements servent des objectifs de durabilité et de protection de l'environnement. Malheureusement, aucun engagement lié à la durabilité n'a encore été proposé. Il reste donc à déterminer la forme que ces engagements pourront prendre ainsi que la réduction des amendes que les entreprises pourront obtenir.
Outre les affaires antitrust, l'Autorité hongroise de la concurrence admet également une compensation proactive dans les affaires de pratiques commerciales déloyales. Dans une affaire récente, l'Autorité hongroise a infligé une amende à Dante Inernational et à sa filiale hongroise, Extreme Digital-eMAG Kft. pour avoir fait une communication déloyale des prix et promotions sur leurs sites web. L'Autorité hongroise de la concurrence a infligé une amende de 200 millions de HUF (environ 555 000 euros) mais les entreprises concernées ont dû aussi débourser presque 4 milliards de HUF (environ 11 millions d'euros) pour indemniser les consommateurs lésés par ces pratiques trompeuses et promouvoir en ligne des entreprises hongroises.
Par décision en date du 9 septembre 2021, l’Autorité de la concurrence sanctionne différents acteurs traditionnels des transports routiers - bourse du fret, groupements de transporteurs, et organismes professionnels – pour avoir, entre fin juillet 2016 et fin février 2018, mené des appels et des actions de boycott afin d’empêcher le développement de plateformes numériques d’intermédiation dans leur secteur (telles que Chronotruck ou Everoad) et limité le développement d’un logiciel de traçabilité (Shippeo).
Concrètement, ce « Lobbying anti-plateformes » a pris place lors de conseils de gouvernance de H2P (maison mère de la bourse du fret B2Pweb) ainsi qu’à l’occasion d’échanges bilatéraux avec son président. Des consignes étaient ensuite transmises aux adhérents des groupements et syndicats professionnels participant à l’entente. L’Autorité a également relevé l’existence de communications et de publications diffusées sur les sites internet et intranet, afin d’inciter les adhérents à ne pas collaborer avec ces nouveaux acteurs. L’un des groupements a quant à lui interdit à ses adhérents de travailler avec certaines plateformes en particulier.
L’Autorité considère que ces pratiques de boycott ont gravement entravé la concurrence et l’innovation dans le secteur des transports routiers. Il s’agit en effet d’un secteur en pleine mutation du fait de l’arrivée de nouvelles technologies innovantes visant notamment à optimiser la gestion du transport pour les chargeurs et les transporteurs. L’Autorité considère néanmoins que le dommage à l’économie reste à relativiser du fait notamment de l’évolution plutôt marquée des acteurs du numérique dans ce secteur pendant la période des pratiques. A cet égard, l’Autorité relève également l’absence de mesure de représailles à l’encontre des transporteurs travaillant avec les plateformes, le faible poids sur le marché des organismes mis en cause ainsi que le pouvoir de négociation des chargeurs.
En définitive, l’Autorité inflige à huit acteurs du secteur des amendes pour un montant cumulé de 500 000 euros. On relèvera à cet égard que l’Autorité n’applique la méthode tirée du communiqué sanctions de 2011 qu’à la société B2PWeb - seule entité ayant effectivement réalisé un chiffre d’affaires en relation avec l’infraction. Pour les autres entreprises, l’Autorité fixe un montant de sanction forfaitaire.
Dans son communiqué du 20 septembre dernier, la Commission européenne indique avoir adressé une communication des griefs aux sociétés Illumina et GRAIL pour les informer des mesures provisoires qu’elle entend adopter, alors que ces entreprises ont annoncé avoir réalisé leur opération sans attendre la décision de la Commission.
Les règles de l’Union sur le contrôle des concentrations interdisent en effet aux entreprises de réaliser les concentrations tant que celles-ci n'ont pas été autorisées par la Commission. La particularité de cette opération est qu’elle était sous les seuils des réglementations nationales et européennes mais qu’en raison des sérieux problèmes de concurrence qu’elle posait, elle a fait l’objet d’une demande d’examen, en vertu de l’article 22 du Règlement de l’UE et de la Communication de la Commission du 26 mars 2021 de la part de plusieurs Etats membres, dont la France. Dès lors que la Commission s’était saisie de l’opération, les parties étaient tenues d’attendre l’issue de l’enquête.
La Commission indique dans son communiqué que c’est la première fois qu’elle considère nécessaire d’adopter des mesures provisoires visant à prévenir les conséquences négatives potentiellement irréparables de l'opération sur la concurrence.
GRAIL et Illumina peuvent maintenant répondre par écrit ou par oral à la communication de griefs. La Commission, après les avoir entendues, pourra rendre les mesures provisoires contraignantes auxquelles les deux entités auront l’obligation de se conformer, et leur infliger une amende pouvant atteindre 10 % de leur chiffre d'affaires annuel mondial, dans l’hypothèse où elle établirait leur responsabilité.
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