Winston Churchill a dit un jour : « S'améliorer, c'est changer ; être parfait, c'est changer souvent ». L'année 2020 étant l’année du changement, la loi turque sur la concurrence (« Loi »), en discussion depuis 2008 et validée le 16 juin 2020, a fait l'objet d'un remaniement en profondeur.
Des modifications importantes ont été apportées au régime du contrôle des concentrations en Turquie. Ainsi, l'Autorité turque de la concurrence est passée du test de la position dominante, qui consiste à déterminer si la transaction crée ou renforce une position dominante, au test de l'entrave significative à la concurrence effective. Cette nouvelle approche est plus alignée sur le système de l'UE et peut interdire les transactions qui restreignent la concurrence même sans créer/renforcer une position dominante.
Les amendements ont également introduit le mécanisme de transaction tant attendu dans le droit turc de la concurrence. En conséquence, les parties peuvent soumettre leur proposition de transaction, y compris l'acceptation de l’infraction, jusqu'à la remise du rapport d'enquête. L'Autorité de la concurrence turque peut réduire l'amende administrative jusqu'à 25%, une fois que la proposition de transaction est déposée. Les parties doivent toutefois être prudentes sur cette procédure, avant qu’il n’ait pu être observé les interactions entre propositions de transaction et actions en dommages et intérêts par les victimes des infractions.
En vertu des nouveaux amendements, l'Autorité de la concurrence est désormais habilitée à imposer des remèdes comportementaux et structurels en cas de violation du droit de la concurrence. L'Autorité de la concurrence peut ainsi ordonner aux entreprises de mettre en œuvre certains comportements à la fin d'une enquête (remède comportemental) dans le but de rétablir la concurrence sur le marché. Si les engagements comportementaux ne sont pas suffisants, l’Autorité peut ordonner aux entreprises concernées de céder leurs actions ou actifs (remède structurel).
Une autre modification importante de la Loi a été l'introduction du mécanisme d'engagement. Les entreprises peuvent désormais proposer des engagements au cours de l'enquête préliminaire ou de la procédure d'enquête pour les infractions autres que les violations per se (telles que la fixation des prix, la répartition des marchés ou des clients). Les engagements proposés peuvent devenir contraignants s'ils sont considérés comme répondant aux problèmes de droit de la concurrence. Ceci étant dit, l’Autorité peut rouvrir la procédure lorsque (i) il y a eu un changement dans l'un des faits, (ii) l'entité concernée a agi contrairement à ses engagements ou (iii) la décision était basée sur des informations incorrectes.
Pour la première fois, la règle de minimis est introduite dans la législation sur la concurrence turque. L'Autorité de la concurrence est désormais habilitée à ne pas ouvrir d'enquête sur des accords, des pratiques concertées et des pratiques d'associations d'entreprises dont le chiffre d'affaires et la part de marché sont inférieurs à un certain seuil. La règle de minimis ne peut être appliquée que pour les accords et pratiques qui ne constituent pas des restrictions caractérisées de la concurrence (tels que les accords sur les prix, la répartition des marchés/clients et le contrôle de l'offre). Grâce à cet amendement, l'Autorité de la concurrence peut désormais allouer ses ressources à des enquêtes plus importantes. Comme dans l’UE, le seuil en part de marché est de 10% pour les accords entre concurrents et de 15% pour les accords entre non-concurrents. L'Autorité de la concurrence peut toujours décider d'ouvrir une procédure malgré les seuils, si elle le juge nécessaire.
Enfin, les amendements à la loi prévoient une augmentation de la capacité de l’Autorité à collecter des données durant les inspections sur place. Les documents et les informations stockés électroniquement sont donc inclus dans le champ d'investigation et l'Autorité est habilitée à saisir tout document physique et électronique.
En 2020, l'Autorité de la concurrence turque a conduit des enquêtes médiatisées contre des entreprises actives sur les marchés des moteurs de recherche, des appareils ménagers, du transport de courrier/fret et du fioul.
Suivant les traces de l'UE, l'Autorité a lancé une enquête contre Google pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché des services de recherche pour exclure ses concurrents sur le marché des services de comparaison de prix en ligne. Il a ainsi été constaté que Google empêchait les concurrents d’accéder à Google Shopping aux mêmes conditions. L'affichage et le positionnement des annonces des sites d'achat concurrents étaient moins visibles sur la page des résultats de recherche. Google doit désormais remplir certaines obligations pour mettre fin à l'infraction et garantir la concurrence sur le marché.
L'Autorité de la concurrence a également enquêté sur les principaux fabricants d'appareils ménagers, Arçelik et Vestel, à la suite de préoccupations relatives à un échange d'informations anticoncurrentiel. L’Autorité a découvert qu'un directeur régional d'Arçelik avait transmis, de son propre chef, des informations à son concurrent, Vestel. L’Autorité a décidé que ces agissements ne violaient pas la loi puisqu'Arçelik a notifié ces agissements à l’Autorité lorsqu'elle a découvert que de telles informations avaient été transmises à Vestel, et les preuves rapportées démontrent qu'Arçelik a fixé ses prix de manière indépendante même pendant la période où les informations commerciales sensibles ont été divulguées au concurrent.
Une autre enquête a été menée contre de nombreuses entreprises opérant sur le marché du transport de courrier/fret. L’ATC a décidé d'imposer une amende administrative à certaines des plus grandes entreprises du marché (TNT, UPS, DHL et Yurtiçi Kargo) pour avoir violé la loi en se répartissant des clients. L’Autorité a également relevé que ces entreprises ont interdit aux revendeurs d'offrir des services aux clients désignés comme actifs sur leurs propres comptes.
Enfin, les entreprises opérant sur le marché de la distribution de carburant ont également fait l'objet d'une enquête approfondie pour avoir déterminé les prix de revente de leurs distributeurs. Opet, BP, Petrol Ofisi (Vitol) et Shell ont été frappées d'amendes administratives après le constat que les prix à la pompe pratiqués par les distributeurs étaient identiques aux prix « recommandés » par ces entreprises fournissant du fioul. Le montant total de l'amende infligée à ces entreprises s'élève à 1,5 milliards de TL (environ 167 millions d'euros), ce qui constitue l'amende la plus élevée jamais infligée dans le cadre de l'application de la loi turque.
Le 15 mai 2017, la Commission européenne a annoncé l’ouverture d’une enquête sur de potentiels comportements anticoncurrentiels perpétrés par Aspen, société pharmaceutique sud-africaine commercialisant de nombreux médicaments dans plusieurs pays de l’Union Européenne.
La procédure portait, en particulier, sur l’imposition par Aspen de tarifs excessifs pour 6 médicaments anticancéreux essentiels utilisés dans le cadre de traitements de la leucémie et d’autres cancers du sang. Les allégations portaient sur l’usage de procédés de négociation abusifs à l’égard d’autorités nationales de différents pays afin de leur imposer de tels prix excessifs, alors que cette société se trouvait en position dominante.
Après enquête, la Commission a observé qu’à partir de 2012, Aspen avait commencé à augmenter sensiblement ses prix dans tous les pays où elle commercialisait ces médicaments. Une analyse approfondie de la comptabilité d’Aspen a révélé que sa marge dépassait 300% en moyenne sans qu’aucune raison légitime ne vienne justifier de tels profits (notamment car les médicaments n’étaient plus couverts par un brevet depuis de nombreuses années et que les investissements en recherche et développement étaient totalement amortis).
Au mois de juillet 2020, Aspen a proposé une série d’engagements à la Commission que la société a par la suite ajustée après consultation des acteurs du marché. Ces engagements ont été rendus contraignants par la Commission et ont été publiés le 10 février 2021. Un mandataire a été chargé par la Commission de veiller à leur respect par Aspen.
Les engagements prévoient notamment une baisse significative des prix nets pratiqués par Aspen pour les médicaments en question dans un certain nombre de pays de l’Espace économique européen (dont le montant maximum net est précisément arrêté). Ces nouveaux montants représentent en moyenne une baisse de 73% par rapport aux prix pratiqués ultérieurement.
Aspen ne pourra en aucun cas dépasser les tarifs fixés par la Commission pendant 10 ans.
Le laboratoire s’engage également à continuer d’approvisionner les pays concernés pendant une période de 5 ans à partir du 1er octobre 2019, date d’effectivité des engagements. Au terme de cette première échéance de 5 ans, Aspen aura le choix entre poursuivre l’approvisionnement de ces médicaments pendant une nouvelle période de 5 ans ou choisir d’offrir son autorisation de mise sur le marché d’un ou de tous les médicaments concernés à d’autres fournisseurs. Au titre de cette dernière option, Aspen sera tenue d‘informer l’Autorité nationale de Régulation de son intention d’arrêter la commercialisation de ses produits 18 mois avant la prise d’effet.
Telle est la position retenue par la Cour de cassation dans la célèbre affaire des farines.
Pour mémoire, le 13 mars 2012, la société VK Mühlen, au même titre que d’autres entreprises du secteur, avait été condamnée par l’Autorité de la concurrence pour avoir pris part à une entente entre meuniers allemands et français, consistant à limiter les importations de farine entre la France et l’Allemagne.
Dans le cadre du présent pourvoi, formé à l’encontre de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 4 juillet 2019, sur renvoi après cassation, la société Goodmills (anciennement VK Mühlen) contestait notamment la durée retenue par la Cour d’appel quant à sa participation à l’infraction. Bien qu’invitée à certaines (seulement) des douze réunions collusoires organisées entre les mois de mai 2002 et de juin 2008 (à savoir, la cinquième, la septième et la dixième), la société VK Mühlen n’avait dans les faits participé qu’à une seule d’entre elles, la sixième, en date du 24 septembre 2003.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation rejette le pourvoi de la société VK Mühlen et approuve le raisonnement de la Cour d’appel, au titre duquel la durée de participation devait avoir pour point de départ la sixième réunion à laquelle cette société avait participé, et pour fin, la date de l’invitation à la onzième réunion. En effet, selon la Cour, c’est à partir de cette dernière date que la société VK Mühlen avait « manifesté avec suffisamment de clarté qu’elle s’était distanciée de l’entente et que son comportement était interprété en ce sens par les autres participants », de sorte que les autres parties à l’entente ne pouvaient plus considérer que la société VK Mühlen partageait encore leurs objectifs et était prête à en assumer les risques. S’il n’était pas contesté que cette société n’avait pas la maitrise de l’envoi des invitations, elle aurait dû et pu, selon les juges, y mettre un terme afin de détromper leur expéditeur et les autres membres de l’entente. En d’autres termes, et bien que cela ne soit pas toujours aisé en pratique, elle aurait dû se distancer expressément de l’entente anticoncurrentielle en indiquant qu’elle ne souhaitait plus être conviée à ces réunions collusoires…
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