Nous vous invitons ce mois-ci en Pologne, où l’autorité de la concurrence annonce un durcissement certain de ses sanctions, durcissement qui devrait impacter notamment les filiales de groupes étrangers.
La Pologne transpose actuellement la directive ECN+, qui vise à harmoniser les pouvoirs des autorités nationales de la concurrence dans l'UE. Le délai de transposition étant déjà dépassé, la révision devrait être adoptée prochainement. La législation renforcera considérablement les pouvoirs de sanction de l'autorité polonaise de la concurrence (« UOKiK »). Dans le même temps, l'UOKiK a également adopté de nouvelles lignes directrices en matière d'amendes, qui étendent encore davantage ce pouvoir de sanction.
En vertu du droit communautaire, la responsabilité d'une société mère pour une infraction au droit de la concurrence commise par sa filiale n'est pas un concept nouveau. En Pologne, cependant, c'est un vrai changement. Actuellement, l'UOKiK ne peut infliger d'amende qu'à l'entreprise directement impliquée dans une infraction à la législation antitrust. Après la réforme, les sociétés mères seront responsables des infractions commises par leurs filiales si elles ont eu une « influence décisive » sur celles-ci. L’influence décisive existe si la filiale « suit généralement » les instructions de sa société mère, ce qui sera présumé si la société mère contrôle « la totalité ou la quasi-totalité » des actions de la filiale. Il est important de noter que la notion d'influence décisive n'exige pas que la société mère soit impliquée dans l'acte répréhensible.
La principale conséquence est que l'UOKiK tiendra compte du chiffre d'affaires du groupe de sociétés lors du calcul des amendes. Ainsi, l'amende maximale sera désormais de 10% du chiffre d'affaires annuel du groupe et non plus de 10% du chiffre d'affaires de la filiale polonaise. Pour les groupes multinationaux, cela va changer la donne.
Un autre changement important concerne la responsabilité des associations professionnelles et de leurs membres. Aujourd'hui, l'amende infligée à une association professionnelle ne peut dépasser 10% du chiffre d'affaires annuel de cette association. Après la modification, le plafond sera de 10% de la somme des chiffres d'affaires annuels des membres de l'association professionnelle actifs sur le marché concerné. En outre, si l'association professionnelle ne peut pas payer, les membres qui avaient leurs représentants dans les organes de l'association peuvent être tenus de payer à sa place.
Et comme si cela n’était pas suffisant, l'UOKiK a récemment mis à jour ses directives en matière d'amendes, augmentant encore son pouvoir de sanction.
Tout d'abord, l'UOKiK a étendu la catégorie des « infractions très graves ». L'amende de base de 1% à 3% du chiffre d'affaires annuel d'une entreprise s'appliquera désormais à tous les accords anticoncurrentiels entre concurrents, et non plus seulement aux plus graves.
Deuxièmement, l'UOKiK a modifié la manière dont elle tient compte de la durée de l'infraction. Elle multipliera désormais l'amende de base par le nombre d'années pendant lesquelles l'infraction a duré, et ce indépendamment du point de savoir si la durée de l'infraction a eu un impact sur les effets de l’infraction. Ceci aura un effet important sur le montant de l’amende. Par exemple, dans sa dernière affaire de prix imposés, l'UOKiK a augmenté l'amende de base de 160% parce que la pratique a duré 8 ans. Selon les nouvelles lignes directrices, cette amende de base serait augmentée de 800% (sous réserve uniquement du plafond global de 10% du chiffre d'affaires).
Troisièmement, l'UOKiK pourra désormais augmenter extraordinairement l'amende si celle déterminée dans le cadre des lignes directrices est « trop faible pour atteindre ses objectifs ». Il est intéressant de noter que ce pouvoir est entièrement arbitraire et n'est soumis à aucun plafond (autre que le plafond de 10% du chiffre d'affaires).
Ces modifications viennent s’aligner sur les lignes directrices précédemment adoptées concernant les amendes imposées aux dirigeants.
Les entreprises actives en Pologne, et en particulier les multinationales, doivent donc savoir que leur risque antitrust va bientôt augmenter de manière significative. Il est donc important de s'assurer que les filiales polonaises soient en conformité avec les règles de concurrence et que leur personnel est bien formé et attentif à ces risques. Il serait également utile à l’avenir de mettre à jour les programmes de conformité, car les modifications de la loi que nous présentons ci-dessus ne sont que la partie émergée de l'iceberg que constitue la très vaste réforme actuellement en discussion.
Le 24 mars 2021, l’Autorité a sanctionné une entente anticoncurrentielle entre les trois principaux acteurs du marché de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs vendus sous marque de distributeur dans la grande distribution et stations-services.
L’affaire avait été portée à la connaissance de l’Autorité à la suite d’une demande de clémence de la société Rolland Monterrat. Sur la base des informations fournies par cette dernière, l’Autorité avait procédé à des opérations de visite et saisie dans les locaux des deux autres parties à l’entente : les sociétés Snacking Services (Daunat) et La Toque Angevine, (LTA). Ces deux entreprises ont à leur tour réclamé le bénéfice de la clémence en fournissant des informations supplémentaires permettant d’identifier les pratiques auxquelles les trois acteurs s’étaient livrés.
Les pratiques condamnées - et mises en œuvre pendant 6 ans - visaient à définir une stratégie de répartition des volumes et des clients entre ces sociétés, ainsi qu’à s’accorder sur les prix et à obtenir des hausses tarifaires, afin de mettre fin à la « guerre des prix » qu’elles se menaient antérieurement. A l’occasion d’appels d’offres lancés par les grandes et moyennes surfaces alimentaires et stations-services, les entreprises en cause avaient ainsi développé une stratégie visant à désigner par avance l’entreprise qui remporterait le marché et déposé des offres de couverture, faussant ainsi l’attribution des appels d’offres. Elles avaient également coordonné leurs négociations tarifaires bilatérales avec ces mêmes acteurs afin d’aboutir à une augmentation significative des prix au cours de l’exécution du marché. Concrètement, les trois entreprises avaient organisé des réunions multilatérales secrètes et partagé des informations sur les prix par téléphone et courriels, avant de prendre contact avec les enseignes organisant les appels d’offres.
Seule la société Rolland Monterrat a pu bénéficier d’une exonération totale grâce à sa position de demandeur de clémence de premier rang. Les sociétés LTA et Daunat ont tout de même pu bénéficier d’une exonération partielle du montant de leurs amendes de 35% et 30% et ont été condamnées à des amendes respectives de 15,5 millions et de 9 millions d’euros. L’Autorité rappelle ainsi que les cartels défensifs, même face à une grande distribution très puissante, sont toujours interdits.
Pour mémoire, la Commission a récemment changé son approche sur le renvoi de l’article 22 du règlement sur le contrôle des concentrations, en encourageant désormais les autorités nationales à lui soumettre les opérations (i) qui affectent le commerce entre États membres et (ii) menacent d’affecter de manière significative la concurrence sur leur territoire national, même lorsqu’elles ne franchissent pas les seuils nationaux de notification. C’est ce qui avait permis à la Commission d’examiner par exemple l’opération Apple/Shazam pourtant non notifiable selon les seuils nationaux.
Le 26 mars, la Commission a publié ses orientations sur la mise en œuvre de ces renvois, précisant qu’elles pourraient être révisées sur la base des développements à venir. Ce document expose les critères dont la Commission tiendra compte pour accepter les demandes de renvois formulées par les Etats membres et donne des exemples d’entreprises susceptibles d’être concernées par ceux-ci. Concrètement, sont visés les start-up et nouveaux entrants dotés d’un fort potentiel concurrentiel devant encore mettre en œuvre ou développer un modèle d’entreprise susceptible de générer des revenus significatifs. Sont encore visées les entreprises innovantes ainsi que celles disposant d’actifs importants sur le plan concurrentiel (tels que des matières premières, des infrastructures ou des données) ou fournissant des produits ou services constituant des composants clés pour d’autres secteurs industriels. La liste n’est pas limitative, de même que les secteurs susceptibles d’être concernés.
A noter que le renvoi pourra concerner une opération déjà mise en œuvre (dans un délai maximal de 6 mois sauf situations exceptionnelles), même si la Commission indique qu’elle prendra en compte le temps écoulé depuis la clôture de l’opération pour accepter ou non un renvoi. Ceci pourra inciter les parties à une opération entrant potentiellement dans le champ d’un renvoi de consulter informellement les autorités nationales compétentes avant le closing pour évaluer le risque d’un renvoi...
L’Etat membre devra transmettre sa demande dans les 15 jours ouvrables suivant la date à laquelle il aura eu connaissance de l’opération et disposé des informations suffisantes pour renvoyer l’opération. D'autres États membres pourront se joindre à la demande initiale dans les 15 jours suivant la date à laquelle ils en auront été informés. La Commission disposera ensuite de 10 jours pour décider d’examiner l’opération.
L’Autorité de la concurrence n’a pas attendu la publication de ces orientations de la Commission pour formuler d’ores et déjà une demande de renvoi sur une opération d’acquisition d’une start-up dans le domaine médical. Il sera intéressant de lire la décision de la Commission sur cette demande de renvoi.
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