Le 12 décembre 2018, le Tribunal de l’Union européenne a partiellement annulé la décision de la Commission retenant l’existence d’ententes et d’un abus de position dominante sur le marché du périndopril par les laboratoires Servier, et a réduit l’amende infligée de près d’un tiers, soit de 102,67 millions d’euros.
Pour mémoire, la Commission avait considéré que Servier avait conclu avec les sociétés Matrix, Teva, Niche, Unichem et Lupin des accords destinés à retarder l’entrée sur le marché des médicaments génériques au périndopril.
Elle avait également considéré que Servier avait commis un abus de position dominante en menant une stratégie d’exclusion, notamment par les accords conclus avec les génériqueurs.
Le Tribunal rappelle que les accords de « pay for delay » peuvent être contraires au droit de la concurrence. Si les règlements amiables sur des brevets, conclus entre concurrents, ne sont pas nécessairement illicites, il en va différemment lorsque les accords contiennent des clauses de non-contestation des brevets et de non-commercialisation des produits et octroient des avantages incitatifs à renoncer à entrer sur le marché ou à contester le brevet. Le système de « paiement inversé » de la société princeps vers la société de génériques est par nature suspect dans le cadre de règlements amiables lorsque le paiement ne peut pas être justifié. C’est le cas lorsque le paiement va au-delà des coûts inhérents au règlement amiable et correspond en réalité à une indemnisation pour ne pas entrer sur le marché.
Après avoir rappelé que les génériqueurs concernés pouvaient être considérés comme des concurrents potentiels de Servier puisqu’à même d’entrer suffisamment rapidement sur le marché, le Tribunal invalide la plupart des règlements amiables conclus par Servier avec d’autres entreprises du secteur.
Il annule cependant l’amende infligée à Servier et Krka, la Commission n’ayant pas établi l’existence d’un avantage incitatif en échange du retrait de Krka du marché. Il réduit également de 30% le montant de l’amende pour l’accord Servier-Matrix, pour une amende au montant jugé trop élevé.
S’agissant de l’abus de position dominante, le Tribunal annule la décision de la Commission pour avoir effectué une analyse erronée du marché pertinent. Elle avait en effet décidé de manière erronée que Servier détenait une position dominante sur un marché de produits dont la délimitation devait se restreindre à la seule molécule du périndopril, dans ses versions princeps et générique.
Or, selon le Tribunal, la Commission avait considéré à tort que le périndopril se différenciait par son usage médical d’autres molécules de la même classe thérapeutique, alors que ces molécules étaient comparables en terme d’efficacité et d’effets secondaires. La Commission a par ailleurs sous-estimé la propension des patients traités au périndopril à changer de traitement et a au contraire surestimé le phénomène d’inertie des médecins à prescrire d’autres médicaments à leurs nouveaux patients. La Commission n’a donc pas suffisamment pris en compte la pression concurrentielle exercée par ces autres molécules sur le périndopril.
Le Tribunal a donc conclu à une délimitation erronée du marché pertinent, restreint à la seule molécule du périndopril. Il a alors considéré que la Commission n’avait pas suffisamment démontré la position dominante de Servier en France, aux Pays-Bas, en Pologne et au Royaume-Uni, que ce soit sur le marché du périndopril ou sur le marché amont de la technologie de l’ingrédient actif. Le Tribunal annule par conséquent l’amende de 41 millions d’euros imposée à Servier pour abus de position dominante.
Le Tribunal rappelle ainsi à la Commission que même dans le domaine pharmaceutique où la tendance est de retenir des marchés très étroits pouvant se limiter jusqu’à une molécule donnée (conduisant alors nécessairement à une position dominante du laboratoire exploitant cette molécule), cette dernière n’est pas dispensée d’une analyse complète des solutions potentiellement substituables par l’usage médical qui en est fait.
Dans un arrêt du 6 décembre 2018, le Tribunal de l’Union européenne rappelle qu’en vertu du principe de la responsabilité personnelle, le cédant d’actifs ou d’actions, s’il existe toujours juridiquement et économiquement au moment de la décision, sera tenu responsable des pratiques anticoncurrentielles commises avant la cession.
Dans cette affaire, la Commission avait condamné solidairement la société Coveris et sa société mère Huhtamäki Oyj pour des pratiques d’ententes commises en France, sur le marché des barquettes en polystyrène, entre 2004 et 2005.
La société Coveris avait fait appel en arguant du fait qu’en 2006, soit après la fin des pratiques, Coveris avait vendu ses actifs à Ono Packaging, société tierce au groupe, tandis que les parts sociales d’une autre filiale portugaise du groupe Huhtamäki étaient cédées à la société mère d’Ono Packaging, le même jour.
Pour Coveris, la Commission devait donc désigner l’acheteur, Ono Packaging, comme responsable de l’infraction, sur le principe de la continuité économique.
Le Tribunal considère tout d’abord que, même si après le transfert d’une partie de ses actifs à Ono Packaging, Coveris avait cessé d’être active sur le marché des barquettes en polystyrène, elle a néanmoins continué à exister juridiquement et économiquement. En vertu du principe de la responsabilité personnelle, Coveris était donc responsable de l’infraction commise en France.
Le Tribunal rappelle ainsi que la responsabilité pour pratiques anticoncurrentielles suit ces actifs uniquement dans le cas exceptionnel où l’entité juridique qui détenait ces actifs a cessé d’exister juridiquement ou économiquement, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Il rappelle par ailleurs que les entreprises ne peuvent échapper à des sanctions par le simple fait que leur identité ait été modifiée lors de restructurations, de cessions ou d’autres changements juridiques ou organisationnels. Ainsi, Coveris et Ono Packaging n’entretenant pas de liens structurels au moment de la cession des actifs, cette dernière ne pouvait donc être sanctionnée en raison d’un transfert intragroupe.
Enfin, le Tribunal souligne que l’imputation d’une infraction à un cessionnaire tiers indépendant ne pourrait être admise qu’exceptionnellement au nom du principe de continuité économique, par exemple lors d’un transfert d’actifs entre deux entreprises de mauvaise foi, cherchant à échapper aux sanctions. Or, ce ne fut pas le cas non plus en l’espèce.
L’acheteur peut ainsi faire supporter au vendeur les amendes pour des pratiques anticoncurrentielles commises avant la vente, pourvu bien entendu que ces pratiques aient bien cessé avant la vente. Si elles se poursuivent, l’acheteur en supportera les conséquences pour la période post-closing.
Dans cette première décision post-Coty, l’Autorité s’est prononcée sur la licéité d’un réseau de distribution sélective pour des produits de Stihl relatifs au secteur de la motoculture (tronçonneuses, débroussailleuses, élagueuses).
Elle a tout d’abord considéré le recours à la distribution sélective comme légitime, reconnaissant que ces produits pouvaient revêtir une certaine dangerosité et technicité. La sélection des distributeurs permettait ainsi d’assurer la transmission des informations utiles à la bonne utilisation des machines et à la sécurité des utilisateurs.
Cependant, elle a sanctionné Stihl pour avoir imposé « une mise en main » des produits aux acheteurs en ligne. Stihl imposait en effet aux distributeurs de proposer soit le retrait des produits en magasin, soit une livraison au domicile de l’acheteur mais en personne par le distributeur, interdisant donc en pratique la vente à distance des produits par le distributeur, ce qui allait au-delà de ce qui était nécessaire pour protéger la santé des consommateurs. Stihl a donc été sanctionnée à hauteur de 7 millions d’euros pour cette restriction par objet jugée particulièrement nocive.
En revanche, l’Autorité a jugé valable l’interdiction faite aux distributeurs de vendre les produit Stihl sur les places de marché, dans la ligne de l’arrêt Coty.
Elle indique par ailleurs que la solution de l’arrêt Coty est susceptible d’être étendue à d’autres types de produits que les produits de luxe, analyse qui fut par ailleurs dégagée par la Commission européenne en avril 2018. Elle en fait ainsi une application extensive puisque les produits concernés ne relevaient pas du secteur du luxe mais de celui de la motoculture. Cette restriction a donc été jugée légitime afin de préserver la sécurité du consommateur et garantir l’image de marque et la qualité des produits concernés.
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