Dans l’affaire Goldfish BV e.a. contre Commission, le Tribunal de l’Union européenne a jugé le 8 septembre 2016 que des enregistrements de conversations téléphoniques recueillis de manière illégale par une entreprise et saisis par la Commission européenne sont admissibles à titre de preuve dans le cadre d’une procédure juridictionnelle.
En 2013, la Commission avait infligé une amende de 28.716.000 euros à quatre négociants en crevettes dans la région de la Mer du Nord pour avoir participé à une entente anticoncurrentielle portant sur la fixation des prix et la répartition des volumes de ventes de crevettes.
Pendant l’enquête suivant la demande de clémence d’une des parties, la Commission avait procédé à des vérifications surprises dans les locaux des entreprises concernées au cours desquelles elle avait trouvé des conversations téléphoniques enregistrées illégalement et des notes écrites y faisant référence.
Ces documents avaient été utilisés par la Commission comme moyen de preuve pour retenir la culpabilité des entreprises en cause. Les requérantes avaient donc introduit un recours devant le Tribunal pour contester la légalité de ces pièces.
A cette occasion, le Tribunal a rappelé que le principe prévalant en droit de l’Union est celui de la libre appréciation des preuves, qui implique d’une part que la recevabilité d’un élément de preuve obtenu régulièrement ne peut être contestée devant le Tribunal, et d’autre part, que la force probante des preuves régulièrement produites est appréciée sur la base de leur crédibilité.
En considération de ce principe, le Tribunal a contrôlé, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, que l’admission d’un élément de preuve obtenu en violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) consacrant le droit à la vie privée ne constituait pas une atteinte aux principes d’équité posés par l’article 6§1 de la CESDH et donc que les droits de la défense des entreprises poursuivies avaient été respectés.
Partant, le Tribunal a jugé que les parties requérantes n’avaient pas été privées de leur droit à un procès équitable dès lors qu’elles avaient eu accès à l’ensemble des enregistrements audio et des notes écrites les accompagnant. Par ailleurs, la Commission ne s’était pas fondée uniquement sur ces enregistrements, mais également sur d’autres éléments probatoires, pour retenir la culpabilité des entreprises en cause et avait vérifié la concordance des enregistrements litigieux avec les autres pièces versées au dossier.
Ainsi, le Tribunal en a conclu que la Commission avait utilisé à bon droit les enregistrements comme élément de preuve des pratiques anticoncurrentielles alléguées, puisqu’elle les avait régulièrement obtenus au cours de son enquête, quand bien même ceux-ci avaient été recueillis de façon illégale par l’une des parties à l’entente.
Cette approche est contraire à l’analyse retenue par la Cour de cassation en France, qui avait affirmé dans un arrêt du 7 janvier 2011 que des enregistrements de conversations téléphoniques captés à l’insu de leur auteur et utilisés pour prouver des pratiques anticoncurrentielles devant l’Autorité de la concurrence doivent être déclarés irrecevables car obtenus de manière déloyale.
Cette position avait d’ailleurs été invoquée par l’une des requérantes au soutien de son argumentation. Sur ce point, le Tribunal a répondu que si le juge de l’Union européenne peut s’inspirer du droit des Etats membres, il n’a pas l’obligation d’appliquer la réglementation d’un Etat membre la plus stricte concernant l’administration de la preuve.
Reste à savoir si cet arrêt, qui fera probablement l’objet d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne, amènera la Cour de cassation à infléchir sa position en la matière. Le principe de prudence impose en tout état de cause d’éviter tout propos anticoncurrentiel qu’un interlocuteur mal intentionné pourrait utiliser dans le cadre d’une demande de clémence.
L’encadrement de l’activité des plateformes en ligne, notamment en ce qui concerne la loyauté et la transparence vis-à-vis du consommateur, n’est pas un sujet nouveau. La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité économique du 6 août 2015 avait déjà instauré certaines obligations en ce sens à la charge des plateformes qui mettent en relation des vendeurs (professionnels ou non professionnels) et des consommateurs en vue de la vente, l’échange ou le partage d’un bien ou d’un service (autrement dit, les places de marché et les sites d’économie collaborative).
En 2016, le législateur a voulu aller plus loin en consacrant un principe général de loyauté pour toutes plateformes intervenant dans le cadre de la consommation et dont l’activité consiste soit dans une mise en relation entre vendeurs et acheteurs, comme celles visées par la loi de 2015, soit dans le classement ou le référencement de contenus, de biens ou de services proposés par des tiers.
Ainsi, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique prévoit, à la charge de ces plateformes, l’obligation de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur :
En outre, toute plateforme qui, à titre principal ou accessoire, collecte, modère ou diffuse des avis en ligne provenant de consommateurs, ce qui touche aujourd’hui la majorité des plateformes en ligne, est tenue de délivrer un ensemble d’informations relatives à ces avis, comme notamment les modalités de publication et de traitement, l’existence ou non d'un contrôle, les caractéristiques principales de ce contrôle s’il existe, leurs dates et les raisons de non-publication de certains avis.
Concernant les conditions générales de vente relatives au produit ou au service mis en ligne sur la plateforme et qui doivent être impérativement portées à la connaissance de l’acheteur, il est prévu que la plateforme met à la disposition des vendeurs professionnels un espace pour communiquer les informations précontractuelles obligatoires. En attendant la publication des différents décrets d’application, les plateformes concernées pourront d’ores et déjà réfléchir à la manière dont il faudra adapter leurs conditions générales d’utilisation.
Depuis le 4 juin 2016, les amendes prononcées par l’Autorité de la concurrence contre les auteurs de pratiques anticoncurrentielles (ententes ou abus de position dominante) peuvent faire l’objet d’une majoration jusqu’à 10% de leur montant afin de financer l’aide aux victimes.
Ce nouveau pouvoir de l’Autorité de la concurrence, passé quasi-inaperçu lors de la promulgation de la loi qui l’a instauré (loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le terrorisme), est pour le moins surprenant. Ce dispositif, également prévu pour d’autres types d’infractions, a été initialement conçu pour trouver de nouvelles ressources aux associations d’aide aux victimes qui connaissent des difficultés financières sérieuses. Toutefois, le texte ne précise ni les modalités d’un tel financement, ni le type de victimes pouvant en bénéficier. S’il s’agit d’aide aux victimes de pratiques anticoncurrentielles, il est à craindre une application discriminatoire de la majoration en question. En effet, toute infraction de concurrence ne permet pas de donner lieu en réalité à des actions de dommages et intérêts, ce qui conduirait à majorer l’amende pour certaines entreprises et pas pour d’autres, sans que l’on sache exactement sur quels fondements juridiques cette différenciation repose. Par ailleurs, les victimes de pratiques anticoncurrentielles peuvent être à la fois des entreprises et des consommateurs. Or, ce texte semble s’adresser plutôt aux seules victimes personnes physiques, en excluant les personnes morales, puisque les associations d’aide aux victimes qui pourraient en bénéficier sont essentiellement des associations de consommateurs.
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