Le 9 avril 2014, l’Honorable Michel Yergeau de la Cour supérieure du Québec a rendu une décision très attendue sur la question controversée de l’affichage de marques de commerce dans une langue autre que le français.
Depuis son adoption au Québec en 1977, la Charte de la langue française (la « Charte ») a été au centre de nombreuses controverses. Adoptée dans le but de protéger la langue française, considérée comme vulnérable, au Québec, la Charte exige que l’affichage public, la publicité commerciale, les inscriptions sur des produits, les brochures, les catalogues, les dépliants, les annuaires commerciaux et toute autre publication soient en français ou que le français y figure de façon prédominante. Toutefois, le Règlement sur la langue du commerce et des affaires (le « Règlement ») admet une exception à cette règle générale : les marques de commerce déposées. En effet, une marque de commerce dans une langue autre que le français peut être utilisée au Québec, à la condition qu’aucune version française de celle-ci n’ait été déposée auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’« OPIC »).
Jusqu’en 2010, l’Office québécois de la langue française (l’« Office ») interprétait le Règlement comme permettant l’affichage public de marques de commerce dans une langue autre que le français sans qu’il soit nécessaire que celles-ci soient accompagnées de termes français. Toutefois, ces dernières années, l’Office a modifié son interprétation de l’exception qui figure dans le Règlement, entraînant de ce fait un conflit éventuel entre le Règlement et certains droits accordés en vertu des lois fédérales sur les marques de commerce. En effet, l’Office considère désormais que l’utilisation de marques de commerce sur les devantures d’immeuble et dans le cadre de l’affichage public équivaut à l’affichage du nom d’entreprise, ce qui exige, conformément à la Charte, l’ajout d’une description française si le nom est dans une langue autre que le français. C’est ainsi que l’Office a commencé à envoyer des avis, des mises en demeure, des avis de suspension du certificat de francisation et des constats d’infraction à de nombreuses sociétés, exigeant qu’elles se conforment à sa nouvelle interprétation de la Charte. Huit multinationales, soit Best Buy, Costco, Gap, Old Navy, Wal-Mart, Toys “R” Us, Guess? et Curves, ont déposé une requête en jugement déclaratoire, demandant au tribunal de confirmer leur droit d’utiliser des marques de commerce en anglais seulement sur les devantures d’immeuble et dans le cadre de l’affiche public, conformément aux lois fédérales sur les marques de commerce.
Dans sa décision, la Cour a statué qu’une marque de commerce était un concept juridique distinct régi par ses propres règles, qui diffèrent considérablement de celles qui s’appliquent aux noms commerciaux et aux noms d’entreprise. L’affichage d’une marque de commerce – en liaison avec des services et des produits offerts par une société – n’équivaut pas à l’affichage d’un nom d’entreprise et, par conséquent, aucune obligation d’ajouter un terme générique français ne devrait être imposée. Le juge a soutenu que la Charte et le Règlement permettaient expressément l’affichage de marques de commerce dans une langue autre que le français sans l’ajout d’un terme générique français, à la condition qu’aucune version française de la marque de commerce en question n’ait été déposée auprès de l’OPIC, et qu’on ne pouvait donner à ces lois une interprétation selon laquelle les marques de commerce affichées sont synonymes de noms commerciaux. Le juge Yergeau a ajouté qu’à l’heure actuelle, seule une modification du Règlement pourrait rendre obligatoire l’ajout d’un terme générique français à une marque de commerce en anglais. Il est important de noter que cette décision s’applique seulement aux marques de commerce déposées auprès de l’OPIC et ne tient pas compte des marques de commerce en anglais qui ne sont pas déposées.
Dans ce cas en particulier, la preuve a démontré que les marques de commerce de la plupart des demanderesses ne correspondaient pas à leur nom d’entreprise et que le fait de les afficher n’équivalait donc pas à afficher le nom d’entreprise. Le Procureur général du Québec, qui était la partie défenderesse dans le cadre de cette poursuite, n’a pas réussi à démontrer que ces marques de commerce étaient utilisées comme noms d’entreprise. Au contraire, la preuve a démontré que les noms d’entreprise étaient différents des marques de commerce que ces sociétés utilisaient et affichaient.
Le 8 mai 2014, le Procureur général du Québec a interjeté appel de la décision de la Cour supérieure. Toutefois, le 27 avril 2015, la Cour d’appel a confirmé la décision de la Cour supérieure selon laquelle la Charte permettait l’utilisation de marques de commerce dans une langue autre que le français (y compris les marques de commerce en anglais) sur les devantures de magasin et dans le cadre de l’affichage public et de la publicité dans la province, à la condition qu’aucune marque de commerce en français équivalente n’ait été déposée. La Cour d’appel a ainsi rejeté à l’unanimité l’interprétation que le Procureur général avait donnée à la Charte et au Règlement, jugeant que celle-ci, en fait, ne tenait aucunement compte de l’exception relative aux marques de commerce prévue par la loi.
Bien que le Procureur général ait décidé de ne pas interjeter appel de la décision de la Cour suprême, le 17 juin 2015, Mme Hélène David, ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de la Protection et de la Promotion de la langue française, a publié un communiqué de presse annonçant que l’Office entendait modifier le Règlement afin d’assurer une meilleure visibilité du français sur les devantures d’immeuble et dans le cadre de l’affichage public. Elle a pris soin de préciser que le projet de loi assurerait l’intégrité des marques de commerce, qui relèvent de la compétence fédérale.
Le projet de loi, qui devait être présenté à l’automne 2015, offrirait aux entreprises divers moyens de s’y conformer, par exemple la possibilité d’ajouter une description générique ou un slogan à leur marque de commerce. Toutefois, aucun projet de loi n’a encore été déposé.
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