L’environnement a fait les manchettes comme jamais en 2023, notamment en raison des débats et des contestations judiciaires suscités par la réglementation fédérale en la matière. Nous prévoyons que cette tendance se poursuivra en 2024, dans ce contexte où les parties prenantes continuent d’essayer de départager les compétences provinciales et fédérales en matière d’environnement.
En 2023, l’une des affaires les plus médiatisées relativement à la réglementation fédérale a été la contestation autour de la réglementation du plastique. En novembre dernier, la Cour fédérale a annulé le décret d’inscription des « articles manufacturés en plastique » à titre de substances toxiques à l’annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (le « Décret »), avec effet rétroactif, et l’a déclaré nul et illégal au motif qu’il était « déraisonnable et inconstitutionnel » (la « Décision sur les articles manufacturés en plastique »). Le tribunal a jugé qu’en qualifiant tous les articles manufacturés en plastique de substances toxiques, le Décret avait une portée trop large qui n’était pas justifiée par des données probantes, puisque le gouvernement avait examiné seulement douze (12) catégories de ces articles. Soulignons que la qualification de substance toxique n’est pas sans conséquence, car elle assujettit la substance visée aux pouvoirs de réglementation du gouvernement fédéral. Il est généralement admis que c’est grâce au Décret ajoutant les articles manufacturés en plastique à l’annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (la « LCPE ») que le gouvernement a pu prendre le Règlement interdisant les plastiques à usage unique. En outre, ce règlement fait l’objet d’une autre instance devant la Cour fédérale (T-1468-22), en suspens jusqu’à l’issue de l’appel sur la Décision sur les articles manufacturés en plastique. Notons que la Cour d’appel fédérale a accordé récemment un sursis d’exécution de la Décision sur les articles manufacturés en plastique en attendant l’issue de l’appel, mais a ordonné que l’appel soit devancé et entendu au plus tard le 7 juin 2024.
Il y a fort à parier que les effets de la Décision sur les articles manufacturés en plastique seront négligeables, car le projet de loi S-5, qui a reçu la sanction royale en juin 2023, a changé le fondement juridique qui justifie l’inscription des articles manufacturés en plastique à titre de substances toxiques. Elle est en revanche un exemple éloquent de l’influence que l’industrie peut exercer sur le processus législatif. Nous prévoyons que le caractère approprié de cette inscription et son effet sur le Règlement interdisant les plastiques à usage unique continueront de susciter des débats en 2024. Entre-temps, le gouvernement fédéral a publié un avis d’intention concernant l’imposition d’une obligation de déclaration de certains produits en plastique en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 46 de la LCPE. Selon le gouvernement, le but de cette obligation est de lui permettre de connaître les types de plastique mis en marché par rapport à certaines catégories de produits et la gamme de mesures qui existent pour le détournement de ces plastiques, ce qui porte à croire que les renseignements ainsi recueillis établiront les assises de nouvelles propositions en vue de réglementer les plastiques, soit en appuyant l’inscription des articles manufacturés en plastique à titre de substances toxiques, soit par d’autres moyens.
Un autre litige a abouti en octobre 2023, lorsque la Cour suprême du Canada a conclu, en réponse à la contestation judiciaire menée par l’Alberta, que la Loi sur l’évaluation d’impact (la « LEI ») était en majeure partie inconstitutionnelle. La Cour suprême a statué que l’encadrement législatif de la LEI sur les « projets désignés » outrepassait la compétence législative du gouvernement fédéral. À la suite du prononcé de cet arrêt, le gouvernement de l’Ontario a présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale (T-2233-23) relativement à l’intervention du gouvernement fédéral dans deux projets d’infrastructure provinciaux en Ontario. Cette demande risque de s’attirer des critiques à son tour, car abstraction faite de la question de la constitutionnalité de la LEI, l’un des projets en question, en l’occurrence la construction de l’autoroute 413, exigerait de soustraire des terres à la ceinture de verdure de l’Ontario. Dorénavant, comme nous le voyons dans ce bulletin, les gouvernements provinciaux surveilleront de près l’évolution des modifications de la LEI et de la demande de l’Ontario, afin de déterminer s’il sera nécessaire d’intenter de nouveaux litiges, qu’ils soient d’ordre général ou propres à un projet, relativement aux processus d’évaluation environnementale provinciaux et fédéraux. En particulier, il sera intéressant de voir comment l’application restrictive du principe du fédéralisme coopératif préconisée par la Cour suprême, qui insiste plutôt sur l’intégrité de la séparation des pouvoirs, aura un impact sur d’autres causes portant sur la constitutionnalité de ce type de réglementation.
Au cours de la prochaine année, la résistance accrue à la réglementation fédérale en matière d’environnement prendra diverses formes et mobilisera à la fois les gouvernements provinciaux et les parties prenantes des divers secteurs d’activité visés. Il est probable que nous assistions à des contestations dans le domaine de la réglementation des émissions de gaz à effets de serre, d’une part, contre les gouvernements provinciaux, qui continuent de mettre en œuvre des lois visant à réduire l’intensité des émissions ainsi que des systèmes de plafonnement et d’échange des droits d’émission pour se mettre au diapason de la politique nationale de tarification du carbone, et, d’autre part, contre le gouvernement fédéral, qui donnera suite aux mesures qu’il a annoncées dans le cadre de la COP 28, lesquelles comprennent une réglementation plus rigoureuse des émissions du secteur pétrolier et gazier. Les parties prenantes des secteurs visés ont donc tout intérêt à continuer de participer au processus législatif afin de faire entendre leur point de vue et de s’assurer que les effets des nouvelles dispositions législatives ne seront pas démesurés. D’autres contestations pourraient voir le jour en raison des effets concrets de l’obligation du gouvernement fédéral de reconnaître le droit des Canadiens à un environnement sain dans le cadre de l’application de la LCPE. Ce droit étant entré en vigueur en 2023, le gouvernement doit élaborer le cadre qui lui permettra d’en tenir compte comme il se doit dans la prise de décisions sur les questions visées par la LCPE, y compris les substances toxiques, la pollution, les déchets dangereux et les urgences environnementales.
Quelle que soit l’issue de ces contestations, les provinces et les parties prenantes des secteurs visés ont lancé un message clair en 2023 : elles refusent d’être les spectateurs passifs de l’évolution rapide du cadre normatif environnemental qui a lieu au Canada et revendiquent leur droit d’y prendre une part active. Désormais, si le gouvernement fédéral veut réussir à modifier le cadre législatif environnemental, il devra être en mesure de démontrer que les modifications ou les nouvelles lois qu’il propose sont fondées sur des données probantes et qu’elles relèvent de la compétence que lui confère la Constitution. Somme toute, 2024 s’annonce comme une autre année mouvementée sur le plan de la contestation des lois et des règlements portant sur l’environnement.
Pour obtenir de plus amples renseignements à ce sujet, veuillez communiquer avec les auteurs du présent article, Dina Awad, Mira Gauvin, Stéphane Beaulac, Yulia Konarski ou Kate Wiltse.
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