Les barrières tarifaires récemment imposées par les États-Unis sur certains produits en provenance du Canada, ainsi que la menace de nouveaux tarifs, pourraient bouleverser le marché des fusions et acquisitions. Les parties à une opération de fusion-acquisition devront évaluer avec soin les stratégies à adopter pour atténuer les risques liés aux tarifs douaniers et déterminer l’incidence que ces derniers pourraient avoir dans le cadre des négociations et de la structuration de l'opération.
Dans un contexte marqué par une grande incertitude, l’entrée en vigueur de certains tarifs douaniers, conjuguée à l’imprévisibilité de leur durée et de leur portée, complique la planification des opérations. Ces mesures pourraient freiner les fusions-acquisitions transfrontalières, alors que les entreprises attendent de connaître les tarifs que le gouvernement américain maintiendra ainsi que les éventuelles mesures de rétorsion du Canada.
Face à ces défis, les participants à des opérations de fusion-acquisition doivent intégrer les enjeux tarifaires à chaque étape du processus et adapter les clauses contractuelles en conséquence. Bien qu’il soit encore trop tôt pour établir des pratiques commerciales bien définies, étant donné le climat d’incertitude qui règne, plusieurs considérations clés méritent d’être examinées afin d’anticiper et de gérer les risques liés aux tarifs douaniers.
À l’étape de la lettre d'intention, les parties devront tenir compte de l'impact des tarifs et déterminer dans quelle mesure les dispositions à leur sujet seront traitées dans la lettre d'intention. Certaines parties choisiront d’aborder les questions tarifaires en détail, tandis que d’autres préféreront reporter la formulation précise et les négociations à l’étape de la convention d’acquisition.
L'approche adoptée pour gérer les risques liés aux tarifs variera selon l’opération. Toutefois, certaines considérations clés peuvent être abordées dès la lettre d’intention, notamment des ajustements du prix d'achat, d’autres mécanismes de tarification (clauses d’ajustement de prix, retenues, indemnités particulières) ou encore des réductions du prix d'achat en fonction des fluctuations tarifaires. Bien que les parties puissent envisager d’inclure des déclarations et des garanties relatives aux tarifs, il est peu probable qu’elles le fassent à cette étape. Le plus souvent, la lettre d’intention se contentera de mentionner que la convention d’acquisition comprendra des déclarations et garanties détaillées, y compris celles relatives aux tarifs, sans en préciser le contenu.
Les acheteurs doivent évaluer attentivement les risques tarifaires dans le cadre du processus de vérification diligente. Bien que l'impact des tarifs varie considérablement d'une opération à l'autre, il est probable que les acheteurs y accordent une attention accrue par rapport à avant.
Par exemple, ils examineront plus en profondeur la chaîne d'approvisionnement de l’entreprise cible, ainsi que les relations et contrats avec les clients et les fournisseurs, afin d’identifier les intrants et extrants qui franchissent la frontière entre les États-Unis et le Canada et qui sont ainsi soumis à des tarifs douaniers. Lors de l’analyse des contrats majeurs, les acheteurs porteront une attention particulière aux clauses de retenue ou de majoration pouvant être appliquées en raison de l’imposition de ces tarifs. Ils chercheront également à comprendre les stratégies d’adaptation de l’entreprise cible, notamment la possibilité de recourir à d'autres fournisseurs et sites de production, ainsi que les plans d'intégration post-clôture, afin de diminuer l’impact des tarifs douaniers après la conclusion de l’opération.
Voici certaines des dispositions d'une convention d’acquisition que les parties pourraient vouloir adapter pour tenir compte des tarifs douaniers américains.
Étant donné l’incertitude entourant le montant des tarifs, les acheteurs chercheront à protéger la valeur de leur investissement. Certains opteront pour une réduction directe du prix d’achat, tandis que d’autres privilégieront des mécanismes tels que des clauses d’ajustement de prix, des indemnités spécifiques, des retenues tarifaires ou encore des ajustements du prix d’achat appliqués si les droits de douane sont en vigueur avant la clôture. Les négociations porteront notamment sur la durée des protections tarifaires et les plafonds applicables. Ces dispositions seront souvent sources de tension entre acheteurs et vendeurs, pouvant donner lieu à de longues négociations et, dans certains cas, être liées à des droits de résiliation.
Bien que certains acheteurs puissent ajouter des déclarations autonomes relatives aux tarifs, nous pensons que la plupart des acheteurs préféreront enrichir celles existantes pour mieux couvrir les risques liés aux tarifs. Ces ajustements pourraient inclure (i) des déclarations et garanties plus complètes concernant les clients, les fournisseurs et les chaînes d'approvisionnement associées; (ii) des précisions sur l’origine des marchandises, ainsi que les lieux d’approvisionnement et d’expédition de ces dernières; et (iii) des garanties fiscales encore plus fortes. Les parties devront également anticiper la manière dont les déclarations et les garanties relatives aux tarifs seront affectées à la clôture, notamment si des tarifs sont instaurés après la signature, mais avant la finalisation de l’opération. Une attention particulière devra être portée sur la formulation de ces dispositions afin de préserver l’exactitude des déclarations jusqu’à la clôture.
Les acheteurs pourraient chercher à obtenir des indemnités spécifiques pour les questions tarifaires ou à se protéger en les intégrant aux indemnités couvrant les taxes préalables à la clôture, les violations des déclarations et garanties fiscales ou d'autres déclarations. Nous estimons qu’il serait plus efficace pour les acheteurs d’inclure les risques liés aux tarifs dans les indemnités fiscales en précisant explicitement ces risques dans les définitions fiscales applicables, plutôt que d’ajouter des indemnités distinctes pour les questions tarifaires. De plus, cette approche serait particulièrement avantageuse dans le cadre d’une transaction impliquant une assurance de représentation et de garantie contractuelle, car elle pourrait limiter les exclusions de couverture prévues par toute police d'assurance applicable.
Nous anticipons que les clauses opérationnelles provisoires intégrées aux conventions d’acquisition feront l’objet de négociations sérieuses concernant les mesures autorisées en réponse aux tarifs douaniers. Il existe une tension inhérente entre les acheteurs et les vendeurs quant à la possibilité, pour un vendeur, de prendre des mesures sortant du cadre normal des affaires pour réagir aux droits de douane ou à la menace de tels droits. L’importance des clauses d’exploitation provisoires et l’ampleur des négociations à leur sujet dépendront en grande partie de la durée de la période intérimaire, des exigences réglementaires applicables et des conditions de clôture devant être remplies avant la finalisation de la transaction. Plus cette période sera longue, plus ces clauses feront l’objet d’une attention particulière.
Compte tenu de l’impact imprévisible des tarifs et de la nécessité pour les entreprises de s’adapter à un environnement en constante évolution, les vendeurs chercheront probablement à obtenir une plus grande flexibilité dans la gestion de leurs opérations pendant la période intérimaire, sans devoir systématiquement obtenir le consentement des acheteurs. Cette latitude leur permettrait d’ajuster rapidement leurs activités en fonction des évolutions tarifaires. À l’inverse, les acheteurs souhaiteront généralement encadrer strictement les actions considérées comme sortant du cours normal des affaires et préciser les situations dans lesquelles leur consentement sera requis.
Les parties peuvent convenir d’un mécanisme où le consentement de l’acheteur ne peut être refusé de manière déraisonnable. Cependant, cela soulève la question de la définition du caractère raisonnable dans un contexte inédit, notamment en cas de modifications des chaînes d’approvisionnement, des processus de fabrication ou de relocalisation des opérations. De plus, elles devront examiner des enjeux nouveaux, comme la situation où un acheteur refuse d’accorder son consentement à une mesure proposée par le vendeur, entraînant pour ce dernier des coûts liés aux droits de douane et compromettant ainsi la conclusion de la transaction.
Les parties devront se demander si l’imposition ou la menace de tarifs douaniers pourrait constituer un effet défavorable important (EDI) permettant à un acheteur de se retirer d'une transaction. Il est à noter que les transactions de fusion-acquisition canadiennes ont rarement été annulées en raison d’un EDI. Pour en déterminer l’existence, les tribunaux canadiens examineront probablement le montant et la durée prévue des tarifs douaniers, ainsi que leur impact sur la rentabilité à long terme de l’entreprise cible. Le principal défi, dans le contexte des tarifs douaniers, réside dans l’incertitude quant à leur impact : s’agit-il d’un effet temporaire ou durable? Cette incertitude complique l’évaluation par les tribunaux et la possibilité qu’ils considèrent ces tarifs ou leur menace comme un EDI.
Si les tarifs doivent être intégrés dans la définition d’un EDI, une formulation claire et sans ambiguïté sera essentielle afin d’éviter tout litige futur. Des négociations approfondies seront nécessaires pour encadrer précisément leur prise en compte dans cette définition. Nous anticipons que l’évolution des pratiques à cet égard en vigueur sur le marché suivra une trajectoire similaire à celle observée avec la COVID-19. À mesure que la situation tarifaire évoluera, les parties négocieront probablement la question de savoir si les tarifs ou leur menace constituent un EDI et préciseront ce point dans la définition contractuelle, sous réserve des exclusions ayant été négociées.
Les acheteurs peuvent chercher à inclure des clauses de clôture propres aux tarifs douaniers plutôt que de s'appuyer sur une clause générique de type « MAE-Out » permettant de mettre fin à la transaction en cas d’imposition de tarifs. Ces clauses pourraient notamment inclure des seuils précis quant à l’impact des tarifs sur les activités, les revenus et/ou le bénéfice net de l’entreprise cible. Toutefois, il peut être complexe d’évaluer l’impact des tarifs sur ces paramètres, rendant l’adoption d’une telle clause de clôture plus difficile et susceptible de susciter une résistance de la part du vendeur.
Les parties pourraient vouloir inclure une clause permettant de prolonger la date limite de clôture de la transaction (souvent appelée « date butoir ») si des tarifs ont été proposés ou annoncés avant la clôture, mais ne sont pas encore en vigueur. Cette approche s’inspire des pratiques parfois adoptées pour gérer les délais liés aux approbations réglementaires en suspens. Bien que les parties ne souhaiteront probablement pas voir la transaction échouer simplement en raison de l’atteinte de la date butoir, elles ne voudront pas non plus être engagées contractuellement pour une durée indéterminée en cas de reports successifs des tarifs. Nous anticipons donc que toute prolongation liée aux droits de douane serait limitée à une seule fois.
Il n'existe pas d’approche universelle pour gérer les risques liés aux tarifs dans les opérations de fusion et d'acquisition. La stratégie adoptée dépendra des spécificités de chaque transaction. Toutefois, en l’absence de pratiques bien établies en la matière, les parties doivent rester vigilantes et examiner attentivement les différentes clauses évoquées ci-dessus, qui pourraient contribuer à atténuer ou à encadrer plus efficacement les risques tarifaires.
Si vous avez des questions au sujet de ce qui précède, veuillez communiquer avec les auteurs, Danny Wakeling, Jason Saltzman, Tom Redekopp et Ahad Ahmed (les auteurs ne parlent qu’anglais. Si vous souhaitez discuter avec quelqu’un en français, veuillez communiquer avec un membre de l’équipe spécialisée en fusions et acquisitions du bureau de Montréal).
Nous vous invitons à suivre de près l’évolution de la situation des tarifs douaniers. Pour ce faire, visitez régulièrement notre centre de ressources Transformer le changement en possibilité | composer avec un environnement commercial en constante évolution ou assistez aux webinaires de notre série Border Talks (en anglais seulement). L’enregistrement du webinaire intitulé Navigating tariffs in cross-border M&A est disponible sur notre site Web.
Les courriels non sollicités et les autres renseignements envoyés à Dentons ne seront pas considérés comme confidentiels, pourraient être communiqués à des tiers ou ne pas obtenir de réponse et ne créent pas de relation avocat client. Si vous n’êtes pas un client de Dentons, vous ne devriez pas nous envoyer de renseignements confidentiels.
Ce contenu est disponible en anglais seulement. S'il vous plaît cliquer sur Continuer ci-dessous pour lire cela en anglais.
Vous quittez maintenant le site Web de Dentons. Vous serez redirigé vers le site Web de $redirectingsite en anglais. Pour continuer, cliquez sur « Continuer ».
Vous quittez maintenant le site Web de Dentons. Vous serez redirigé vers le site Web de Beijing Dacheng Law Offices, LLP. Pour continuer, cliquez sur « Continuer ».