En vertu de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (L.C. 2023, ch. 9) (la « Loi »), en vigueur depuis le 1er janvier 2024, de nombreuses entités et institutions fédérales sont tenues de soumettre un rapport annuel au ministère de la Sécurité publique du Canada (« Sécurité publique Canada ») au plus tard le 31 mai de chaque année. Ce rapport doit détailler les mesures prises pour identifier, prévenir et atténuer les risques liés au recours au travail forcé ou au travail des enfants à toutes les étapes de la production de marchandises dans leurs chaînes d'approvisionnement. En vertu de la Loi, ces rapports doivent être publiés sur le site Web de l'entité ou institution concernée, en plus d’être transmis à Sécurité publique Canada, qui les publiera dans son catalogue des rapports afin qu’ils soient accessibles au public.
En vertu de la Loi, une entité est une personne morale ou une société de personnes, une fiducie ou une autre organisation non constituée en personne morale dont les actions ou titres de participation sont inscrits à une bourse de valeurs canadienne ou qui a un établissement au Canada, y exerce des activités ou y possède des actifs et dont la valeur de ses actifs, ses revenus ou le nombre de personnes qu’elle emploie dépassent certains seuils. Toutefois, l’obligation de faire rapport s’applique seulement aux entités qui produisent des marchandises, importent des marchandises produites à l’extérieur du Canada ou contrôlent une entité qui se livre à l'une ou l'autre de ces activités. Pour en savoir plus, veuillez lire l’article (en anglais) que Dentons a publié sur le sujet.
Le 16 décembre 2024, le gouvernement du Canada a annoncé dans son Énoncé économique de l’automne son intention d’adopter une loi visant à créer un cadre de diligence raisonnable pour les chaînes d’approvisionnement, tant pour les entités gouvernementales que pour les entreprises. Le gouvernement du Canada avait, précédemment à cette annonce, mis à jour ses lignes directrices sur la déclaration du travail forcé existantes, qui avaient originalement été publiées en 2023 afin de fournir plus de détails sur les nouvelles exigences prévues dans la Loi.
Ces annonces font suite à une période de consultation publique qui s'est tenue à l'automne 2024 visant à évaluer le cadre existant et les obligations découlant de la Loi, que le gouvernement semble vouloir renforcer dans un avenir proche.
Dans son Énoncé économique de l’automne de 2024, le gouvernement du Canada a annoncé son intention de travailler à renforcer la sécurité économique du Canada et de lutter contre les risques liés au travail forcé et au travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement. Le gouvernement entend éliminer le travail forcé des chaînes d’approvisionnement canadiennes, et ce, en adoptant une loi qui établira un cadre de diligence raisonnable pour les chaînes d’approvisionnement. Ce cadre exigera que les entités gouvernementales et les entreprises examinent leurs chaînes d'approvisionnement internationales afin d’évaluer les risques d’atteinte aux droits fondamentaux de la main-d’œuvre et prennent des mesures pour les éliminer. Un nouvel organisme de surveillance sera mis sur pied pour assurer la conformité à cette loi.
Le gouvernement a aussi l’intention d’apporter des changements législatifs afin de renforcer l'interdiction imposée par le Canada d'importer des biens issus du travail forcé. Les importateurs devront désormais prouver que leurs chaînes d'approvisionnement sont exemptes de travail forcé. Pour soutenir la mise en œuvre de ces nouveaux cadres, le gouvernement propose, dans son Énoncé économique, de verser 25,1 millions $ CA sur deux ans, à compter de 2025-2026, à Affaires mondiales Canada et à l'Agence des services frontaliers du Canada.
Bien que l’intention du gouvernement soit claire, on ne sait toujours pas à quel moment il présentera ces nouvelles mesures législatives.
L’Énoncé économique souligne l’ampleur du problème mondial du travail forcé, notant que 27,6 millions de personnes dans le monde étaient victimes de travail forcé en 2021, un grand nombre de ces victimes vivant en Asie et dans les îles du Pacifique. Les femmes et les enfants sont les groupes les plus vulnérables. Avec ces nouvelles mesures, le Canada entend intensifier ses efforts pour lutter contre le travail forcé et promouvoir des pratiques éthiques dans les chaînes d'approvisionnement mondiales.
Les premières lignes directrices relatives à l’obligation de déclaration du travail forcé en vertu de la Loi ont été publiées par Sécurité publique Canada le 20 décembre 2023. Ces lignes directrices, que vous pouvez trouver sur le site Web de Sécurité publique Canada, visent à aider les entités à déterminer si elles sont considérées comme des entités déclarantes en vertu de la Loi et à les aider à préparer et à soumettre le rapport, le cas échéant.
Depuis leur publication initiale, les lignes directrices ont fait l'objet de plusieurs mises à jour. La dernière en lice date du 15 novembre 2024 et intègre les enseignements tirés de la première année de déclaration obligatoire, ainsi que des consultations publiques menées à l'automne 2024. La dernière mise à jour vise à clarifier les principaux aspects du processus de déclaration, notamment comment déterminer si une entité est soumise aux obligations de déclaration.
Les lignes directrices précisent que certaines sociétés d'État provinciales et d'autres organismes gouvernementaux provinciaux et municipaux peuvent être visés par la définition d’« entité », qui en vertu de la Loi englobe les personnes morales, les fiducies, les sociétés de personnes et d'autres organisations non constituées en personne morale.
Pour déterminer si un organisme exerce des activités au Canada, il est possible de se référer aux facteurs utilisés par l'Agence du revenu du Canada pour déterminer si une personne exploite une entreprise au Canada aux fins de la TPS/TVH (voir l’Énoncé de politique sur la TPS/TVH P-051R2). Ces facteurs incluent, entre autres, le ou les lieux où les marchandises sont produites, vendues ou distribuées ou le ou les lieux où les employés sont situés.
Pour déterminer si un organisme possède des actifs au Canada, seuls les actifs corporels doivent être pris en compte. Les actifs incorporels, tels que la propriété intellectuelle, les titres et les bonnes volontés, sont exclus.
La plus récente mise à jour des lignes directrices a également introduit la nuance suivante : bien que toutes les entités doivent utiliser des états financiers consolidés pour évaluer leurs revenus, leurs actifs et leurs employés par rapport aux seuils prescrits par la loi, autrement dit les états financiers qui comprennent les revenus, les actifs et les employés de tout organisme qu’il contrôle (leurs filiales), les états financiers consolidés d’une entité n’incluent pas les revenus, les actifs et les employés de l’entité qui la contrôle (la société mère). En d'autres termes, les filiales doivent déterminer si elles répondent à la définition d'entité indépendamment de leur société mère, en se basant sur leurs propres états financiers consolidés.
Les lignes directrices précisent également que, bien qu'en vertu de la Loi, l’obligation de déclaration s’applique aux entités qui produisent, vendent ou distribuent des marchandises au Canada ou à l'étranger ou qui importent des marchandises produites à l’extérieur du Canada, ainsi que celles qui contrôlent une entité exerçant l'une de ces activités, les entités qui s’occupent uniquement de la vente ou de la distribution de marchandises ne sont pas tenues de produire une déclaration en vertu de la Loi et Sécurité publique Canada ne cherchera pas à prendra de mesures d'application de la Loi dans ces cas.
Il est précisé que, dans le cadre de la production ou de l'importation de marchandises, seules les marchandises physiques corporelles sont prises en compte lorsqu’il s’agit de déterminer l’obligation de déclaration d’une entité. Autrement dit, l’immobilier, l'électricité, les services logiciels et les régimes et produits d’assurance sont exclus de la définition de marchandises au sens de la Loi.
En outre, seules les entités qui sont de véritables importateurs, c'est-à-dire celles qui ont causé l’importation de marchandises au Canada, peuvent être considérées comme des entités qui importent des marchandises. Il s’agit généralement de l'entité qui comptabilise ou qui paie les droits sur les marchandises importées. Les courtiers en douane, les courriers express, les consultants commerciaux et autres tiers autorisés à effectuer des transactions pour le compte de l'importateur ou à rendre compte des marchandises à la place de l’importateur ne sont généralement pas considérés comme des importateurs.
Bien qu'il existe une exception à l’obligation de déclaration pour les entités dont la valeur des marchandises produites ou importées ne dépasse pas les seuils prescrits, autrement dit ce que la Loi définit comme des « transactions très mineures », il n’existe aucun seuil spécifique à cet égard et il est interprété à la lumière des principes de minimis généralement acceptés dans le contexte des activités de chaque entité.
La récente mise à jour précise qu’une entité peut soumettre à Sécurité publique Canada le rapport qu’elle a préparé pour se conformer aux lois d’une autre juridiction, à condition que toutes les exigences de déclaration de la loi canadienne soient incluses et que le rapport couvre bien la période de déclaration appropriée dictée par la Loi.
Si une société mère et sa filiale ont toutes deux des obligations de déclaration, elles peuvent choisir de soumettre un rapport conjoint à condition que le rapport précise les mesures individuelles prises par chacune des entités visées. Seule l’entité qui soumet le rapport conjoint doit remplir le questionnaire en ligne.
Une entité peut également soumettre une version révisée du rapport si elle doit apporter des modifications à ses réponses au questionnaire précédemment soumis.
Une nouvelle section a été ajoutée dans les lignes directrices pour expliquer à quelles fins le questionnaire est destiné. Les entités sont invitées à utiliser le questionnaire comme ressource lors de l’élaboration de leurs rapports; toutefois, le format du questionnaire peut limiter la capacité d’une entité à fournir une réponse détaillée. Pour y remédier, les entités sont invitées à fournir des éclaircissements et des détails supplémentaires dans le rapport PDF, qui, contrairement au questionnaire, doit être approuvé par le corps dirigeant de l'entité.
Sécurité publique Canada exige à la fois la transmission du questionnaire et du rapport PDF, mais seul le rapport PDF est rendu public. Il est important d'éviter de soumettre le questionnaire sans le rapport PDF complet, car il s’agit d’exigences distinctes et Sécurité publique Canada demande aux entités de remplir les deux.
Les lignes directrices mises à jour comprennent également des instructions relativement à plusieurs des renseignements qui doivent être fournis dans le questionnaire.
Dans un souci de transparence, Sécurité publique Canada précise que s’il existe des preuves de travail forcé ou de travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement d'une entité, mais qu'aucune mesure de remédiation n'a été prise, il suffit de l'indiquer dans le rapport.
En outre, le questionnaire comprend des exemples de mesures que les entités peuvent prendre pour évaluer leur efficacité à garantir que le travail forcé et le travail des enfants ne sont pas utilisés dans leurs activités et leurs chaînes d'approvisionnement. Cette liste comprend, par exemple, la mise en place d'examens ou d'audits réguliers des politiques et procédures de l'entité liées au travail forcé et au travail des enfants.
Les lignes directrices soulignent l'importance d’attester l’approbation du rapport, au moyen d'un énoncé et d’une signature. Le rapport doit être dûment approuvé par le corps dirigeant de l'entité concernée avant la date limite du 31 mai.
Enfin, il est conseillé aux entités de ne pas inclure de renseignements personnels dans le rapport, à l'exception du ou des noms et titres du ou des responsables signataires de l’attestation.
Les mesures récemment annoncées par le gouvernement du Canada, ainsi que la clarification des lignes directrices pour les entités concernées, témoignent d’une volonté accrue de renforcer le cadre de déclaration visant à éradiquer le travail forcé et le travail des enfants. Ces initiatives visent également à maximiser la conformité des entreprises à leurs obligations. Toutefois, la prorogation du Parlement canadien jusqu’au 24 mars 2025 suscite une certaine incertitude quant à la mise en œuvre de ces nouvelles mesures. Dans ce contexte, les entreprises ont tout intérêt à demeurer vigilantes et proactives.
Pour rappel, les rapports exigés par la Loi doivent être déposés au plus tard le 31 mai 2025. Si vous souhaitez déterminer si votre organisation est assujettie aux exigences de déclaration prévues par la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement, obtenir de l’aide pour la rédaction ou le dépôt de votre rapport, ou bénéficier de tout autre service juridique, veuillez communiquer avec les auteurs,Jade Lemieux et Victor Qian.
Les auteurs tiennent à remercier Thomas Doré, stagiaire en droit, pour son aide dans la rédaction de cet article.
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