Le 15 février 2024, le Financial Crimes Enforcement Network, mieux connu sous l'acronyme « FinCEN », une division du département du Trésor des États-Unis, a publié un projet de règlement qui étendrait les lois sur la lutte contre le blanchiment d'argent (AML) et le financement du terrorisme (CFT) aux conseillers en investissement. Historiquement, ces conseillers ont toujours été exemptés de telles lois, contrairement aux banques, aux courtiers et aux fonds communs de placement, malgré le fait qu’ils gèrent d'importantes sommes d'argent. Comme l'a souligné le département du Trésor des États-Unis dans son évaluation des risques que représentent les conseillers en placement de 2024 (2024 Investment Adviser Risk Assessment), les fonds privés géraient plus de 20 000 milliards $ US d'actifs au quatrième trimestre de 2022. Le département du Trésor a reconnu dans cette évaluation le risque important que les conseillers en placement représentent en facilitant l’accès des acteurs illicites au marché américain. Le règlement proposé vise à atténuer ce risque en comblant certaines lacunes dans les lois luttant contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme qui permettent à des personnes sanctionnées, des trafiquants de drogue, des agents étrangers corrompus, des fraudeurs émérites, des fraudeurs fiscaux ou des adversaires étrangers de passer par des programmes de conformité laxistes ou inexistants de certains conseillers en placement pour accéder au marché financier américain. En outre, les adversaires étrangers pourraient utiliser ces conseillers et les fonds privés qu'ils supervisent pour accéder à des technologies et à des services cruciaux pour les intérêts nationaux américains, notamment en investissant dans des entreprises en démarrage développant de tels technologies et services. Conscient de ces risques, FinCEN a publié un projet de règlement qui pourrait toucher les conseillers des sociétés de capital d’investissement et des fonds de capital de risque. Dans ce billet de blogue, nous examinerons la portée de ce projet de règlement, les attentes à l’égard des conseillers étrangers, ainsi que les implications pour les firmes canadiennes de capital d’investissement et les sociétés canadiennes de capital de risque.
À l’heure actuelle, les « conseillers en placement » ne sont pas assujettis aux exigences en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme qui s'appliquent aux institutions financières en vertu de la Bank Secrecy Act (Loi sur le secret bancaire) (la « BSA »). Si le projet de règlement était adopté tel quel, il comblerait cette lacune. En vertu de la BSA, les conseillers en placement seraient donc soumis à des exigences similaires à celles des courtiers enregistrés et autres institutions financières, entraînant de nouvelles obligations pour eux. La définition de « conseiller en placement » que l’on envisage d’ajouter dans la BSA englobe à la fois les conseillers en placement inscrits (RIA, de l’anglais Registered Investment Advisers) et les conseillers assujettis dispensés (ERA, de l’anglais Exempt Reporting Advisers). La catégorie des ERA comprend les gestionnaires de fonds de capital de risque, qui sont exemptés d'inscription auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) s'ils fournissent exclusivement des services de conseillers en placement à des fonds de capital de risque, quel que soit le montant des actifs gérés, ainsi que les conseillers gérant des fonds privés possédant moins de 150 millions $ US d'actifs sous mandat de gestion.
Les nouvelles obligations imposeraient aux conseillers en placement les mesures suivantes :
Ces nouvelles règles de conformité imposeront une charge réglementaire ou des coûts importants pour les conseillers en placement. Parallèlement, le projet de règlement permettrait aux conseillers en placement de déléguer certaines activités administratives et de conformité à des fournisseurs tiers.
Il est à noter que le projet de règlement exclut pour le moment les conseillers en placement inscrits auprès des autorités étatiques, puisque le département du Trésor estime que cette catégorie de conseillers en placement représente un faible risque.
Les conseillers en placement non américains sont ceux dont le lieu principal d’affaires est situé à l’extérieur des États-Unis. FinCEN a annoncé que les conseillers en placement non américains, qui sont par ailleurs tenus de s'inscrire auprès de la SEC, devront aussi se conformer au règlement. Actuellement, les institutions financières non américaines (p. ex., les banques, les courtiers et les fonds communs de placement), qui doivent s’enregistrer auprès de la SEC, doivent également respecter les dispositions de la BSA. Cette même logique s'appliquera en vertu du nouveau règlement. Les conseillers en placement non américains qui « utilisent le courrier » ou tout autre moyen ou instrument commercial entre États dans le cadre de leurs activités sont tenus de s'inscrire auprès de la SEC, et par conséquent,devront se conformer au règlement.
Toutefois, FinCEN demande actuellement l’avis des gens du milieu pour à la fois anticiper d’éventuels conflits entre ce règlement et les lois nationales et étrangères, et atténuer les préoccupations en lien avec ces changements. Il demande également à l’industrie de faire part de ses commentaires pour évaluer si l'idée d'exiger des conseillers en placement non américains de déposer des rapports sur les activités suspectes est cohérente avec les règles actuelles applicables aux institutions financières. Une préoccupation potentielle concerne la compatibilité des lois étrangères sur la protection des renseignements personnels avec l’obligation de soumettre des rapports sur les activités suspectes. Le projet de règlement pourrait être modifié en fonction de ces commentaires.
De plus, l’Anti-Money Laundering Act (Loi sur le blanchiment d'argent) a instauré une obligation selon laquelle l'application et le respect d'un programme de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme incombent à une personne physique résidant aux États-Unis avec qui les autorités américaines compétentes peuvent communiquer. Toutefois, cette obligation pourrait poser problème aux conseillers en placement étrangers n’ayant aucune activité ni succursale aux États-Unis. FinCEN sollicite également des commentaires sur cette question et envisage d’ajouter une disposition d’interprétation pour résoudre ce problème.
En règle générale, les autorités canadiennes suivent de près ce que font leurs homologues américains lorsqu’elles envisagent de nouveaux règlements. Les cadres réglementaires du Canada et des États-Unis en matière de valeurs mobilières et de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme présentent souvent de nombreuses similitudes; il arrive même qu’ils soient parfaitement harmonisés.
Ce projet de règlement pourrait avoir des répercussions pour les conseillers en placement canadiens. Premièrement, si le conseiller en placement canadien est déjà tenu de s'inscrire auprès de la SEC, il devra se conformer à la réglementation proposée et à toute nouvelle obligation qu'elle pourrait lui imposer. Deuxièmement, le Canada, en raison de ses efforts visant à renforcer ses mesures de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, pourrait imposer davantage de mesures restrictives plus contraignantes que l’actuel cadre. Cette volonté réglementaire pourrait avoir un impact long terme sur les activités des firmes de capital d’investissement et de capital de risque canadiennes.
Dentons, le cabinet d’avocats mondial du Canada, peut vous aider à mettre en place ou à jour vos programmes de conformité à la réglementation sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à communiquer avec les auteurs de ce billet de blogue.
Les auteurs tiennent également à remercier Maximilian Wixler, étudiant en droit au bureau de Montréal, pour son assistance à la préparation de ce billet de blogue.
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