La Loi visant principalement à promouvoir l'achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d'intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l'Autorité des marchés publics (LQ 2022, chapitre 18) a été adoptée par l’Assemblée nationale du Québec le 25 mai 2022 et sanctionnée quelques jours plus tard, le 2 juin 2022. Cette loi modifie notamment la Loi sur les contrats des organismes publics (RLRQ, chapitre C-65.1) (la « LCOP ») afin notamment de mieux encadrer le traitement des demandes de paiement des entrepreneurs qui fournissent des biens et des services dans le cadre de travaux de construction réalisés par des organismes publics. La loi prévoit également un processus de règlement des différends afin que tout différend qui découle de l’exécution d’un contrat public, que les parties au litige soient le maître d’ouvrage, l’entrepreneur ou un sous-traitant, puisse être soumis à des tiers désignés par le gouvernement du Québec.

Les modifications sont apportées dans le cadre des efforts que le gouvernement déploie afin d’atténuer les retards de paiement dans l’industrie de la construction et d’établir un mécanisme volontaire de règlement des différends par un intervenant-expert. Entre 2018 et 2021, un projet pilote visant à tester une solution pour régler le problème des retards de paiement dans l'industrie de la construction au Québec a été mis en place et 52 contrats publics de travaux de construction ont été désignés par le gouvernement pour y prendre part. Gage d’un certain succès, une partie de la solution qui a été testée durant ces trois années constitue maintenant la première version du régime de paiements sans délai et est prévue au règlement intitulé Projet pilote visant à faciliter le paiement aux entreprises parties à des contrats publics de travaux de construction ainsi qu’aux sous-contrats publics qui y sont liés qui a été pris en vertu de la LCOP (RLRQ, chapitre C-65.1, r. 8.01) (le « Règlement »). Ce régime de paiements sans délai s'applique actuellement à 180 autres projets de construction publique, identifiés à l'annexe 1 de la Loi concernant l'accélération de certains projets d'infrastructure (RLRQ, chapitre A-2.001). La LCOP vise à élargir l'application du régime à tous les contrats publics de construction.

De façon plus précise, les articles 21.48.19 à 21.48.32 de la LCOP visent à « assurer le paiement rapide de sommes d’argent réclamées par des entreprises qui prennent part à la réalisation de travaux de construction pour le compte d’organismes publics » et à « permettre le règlement rapide de différends » (art. 21.48.19). Ces modifications jettent les bases d'une loi sur les paiements sans délai qui pourrait, en fin de compte, ressembler à certaines lois qui sont actuellement en vigueur dans d'autres régions du pays¹ :

• La loi définit ce qu’est une « demande de paiement valide » (art. 21.48.21);
• Une fois qu'une demande de paiement valide a été faite, le débiteur qui estime ne pas être tenu au paiement doit manifester son refus de payer (dans le délai fixé par règlement) et doit fournir les motifs qui justifient son refus de payer (art. 21.48.23), faute de quoi le débiteur sera considéré en défaut et obligé d'honorer la demande de paiement valide, même s'il n'a pas lui-même été payé par son débiteur, le cas échéant (art. 21.48.24);
• Une somme dont un débiteur est en demeure de payer porte intérêt au taux déterminé par règlement du gouvernement (art. 21.48.25); et
• Certains types de différends en matière de construction déterminés par règlement peuvent être tranchés par un tiers décideur sanctionné par le gouvernement (art. 21.48.26 et 21.48.29), dont la décision est exécutoire et doit être respectée par les parties « jusqu’à ce que, le cas échéant, un jugement rendu par un tribunal de droit commun ou qu’une sentence arbitrale n’intervienne sur le même objet » (art. 21.48.27 et 21.48.28).

Comme vous pouvez le constater à la lecture des points ci-dessus, une grande partie du régime de paiements sans délai et du mécanisme de règlement des différends reste à préciser par règlement. Toutefois, étant donné que les modifications législatives visent à donner un effet permanent à certaines des solutions mises de l’avant dans le projet pilote de paiements sans délai de 2018², certains ou la totalité des éléments suivants de ce projet pourraient être inclus dans la loi :

• Un calendrier de paiement obligatoire qui exige notamment l’envoi des demandes de paiement à date fixe (la date varie en fonction de la position dans la chaîne de construction). En vertu du Règlement, l’entrepreneur général doit avoir transmis sa demande de paiement valide à l’organisme public le premier jour du mois, et le sous-traitant doit avoir transmis sa demande de paiement à l’entrepreneur le 25ᵉ jour du mois.
• La désignation des personnes, organismes ou associations chargés d'accréditer les personnes qui peuvent agir à titre de tiers décideur. Le Règlement prévoit actuellement que l’intervenant-expert à qui un différend est soumis dans le cadre du processus de règlement des différends doit être inscrit dans le répertoire administré par l'Institut de médiation et d'arbitrage du Québec (IMAQ) et que c’est l'IMAQ qui désignera un intervenant-expert si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur le choix de ce dernier.
• Les parties seront potentiellement obligées d’engager des négociations avant d’avoir recours à un tiers décideur. En vertu du Règlement, elles ne sont pas tenues de le faire.
• Un processus accéléré de règlement des différends. Le Règlement prévoit que le processus de règlement des différends prend un maximum de 55 jours, à partir du moment où les services d’un intervenant-expert sont retenus jusqu'au moment où ce dernier rend sa décision;
• Quelle que soit la décision que le tiers décideur a rendue, les parties au litige pourraient avoir le droit de recourir à un nouvel arbitrage ou d’engager des procédures judiciaires. En vertu du Règlement, une procédure portant sur les mêmes éléments que ceux qui sont en cause dans l’arbitrage en vertu du processus de règlement des différends peut, à la suite de la décision de l’intervenant-expert, être intentée par l’une des parties au contrat devant un arbitre ou un tribunal de droit commun;
• Les réclamations pour retard, perte de productivité ou frais indirects pourraient être exclues des procédures en vertu du mode de règlement des différends prévu par la loi. Elles ne sont pas expressément exclues sous le régime actuel³.

Dentons va continuer à suivre l’évolution du dossier des paiements sans délai dans l’industrie de la construction au Québec. Si vous avez des questions au sujet de ce qui précède ou d’autres enjeux liés à la nouvelle loi, n'hésitez pas à communiquer avec Pierre Grenier ou Audréanne Poulin ou avec tout autre membre du groupe Construction et infrastructures de Dentons Canada.

1. Voir le document du gouvernement du Québec intitulé Mémoire au Conseil des ministres : Amendements au projet de loi no 12, Loi visant principalement à promouvoir l’achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d’intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l’Autorité des marchés publics (11 avril 2022).
2. Gouvernement du Québec, Mémoire au Conseil des ministres : Amendements au projet de loi no 12, Loi visant principalement à promouvoir l’achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d’intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l’Autorité des marchés publics (11 avril 2022).
3. Gouvernement du Québec, Rapport sur la mise en œuvre d’un projet pilote sur les délais de paiement dans l’industrie de la construction (mars 2022).