Le 24 mai 2022, l’Assemblée nationale du Québec a adopté le projet de loi 96 - Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (la Loi). Il est prévu que celui-ci soit sanctionné dans les prochains jours, ce qui constitue la dernière étape pour qu’un projet de loi devienne officiellement une loi.
Le présent bulletin porte sur les principales modifications que la Loi apporte à la Charte de la langue française, et qui sont pertinentes pour les employeurs.
Lorsque des employeurs publieront une offre d’emploi dans une autre langue que le français, ils devront veiller à ce qu’elle soit diffusée simultanément en français, en utilisant des moyens de transmission de même nature et atteignant un public cible de taille comparable, toutes proportions gardées. Similairement, toute offre d’emploi, de mutation ou de promotion diffusée par les employeurs devra être rédigée en français.
La Loi précise qu’avant d’exiger la connaissance d’une autre langue que le français lors de l’embauche, les employeurs devront démontrer qu’ils : (i) ont évalué les besoins linguistiques réels associés aux tâches à accomplir; (ii) se sont assurés que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel sont insuffisantes pour l’accomplissement de ces tâches; et (iii) ont restreint le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont l’accomplissement nécessite la connaissance d’une autre langue que le français. Suite à un amendement adopté en commission parlementaire, la Loi précise cependant que l’obligation décrite ci-dessus ne doit pas être interprétée de manière à imposer une réorganisation déraisonnable à une entreprise.
De plus, les employeurs qui exigeront la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une autre langue que le français pour accéder à un poste devront, lorsqu'ils diffuseront une offre visant à pourvoir ce poste, y indiquer les motifs justifiant cette exigence.
Les employeurs devront veiller à ce que tout contrat individuel de travail qu’ils concluent par écrit soit rédigé en français. Ainsi, les contrats individuels de travail qui sont des contrats d’adhésion (c’est-à-dire un contrat dont les stipulations essentielles ont été imposées ou rédigées par l’employeur, sans que l’employé ait eu une occasion réelle de les négocier) rédigés dans une autre langue que le français ne lieront les parties que si celles-ci confirment leur volonté expresse que le contrat soit rédigé dans cette langue, après que le contrat rédigé en français leur ait d’abord été présenté et qu’elles aient eu l’occasion de la réviser. En revanche, lorsqu’un employé a une réelle occasion de négocier les termes de son contrat de travail, la stipulation de la volonté expresse des parties de disposer du contrat dans une autre langue que le français continuera d’être suffisante.
La Loi prévoit que les communications écrites, incluant celles suivant la fin du lien d’emploi, qu’un employeur adresse à son personnel ou à une partie de celui ci, à un travailleur en particulier ou à une association de travailleurs représentant son personnel devront être en français. Cependant, un employeur pourra communiquer par écrit dans une autre langue que le français avec un travailleur qui en fera la demande. De plus, les employeurs devront s’assurer que les formulaires de demande d’emploi, les documents ayant trait aux conditions de travail et les documents de formation produits à l’intention du personnel soient rédigés en français et s’ils les rendent disponibles dans une autre langue, que la version en français soit accessible dans des conditions au moins aussi favorables.
La Loi prévoit qu’une version française devra être jointe sans délai à toute sentence arbitrale rendue par écrit en anglais à la suite de l’arbitrage d’un grief, d’une mésentente, ou d’un différend, soit relatif à la négociation, au renouvellement ou à la révision d’une convention collective ou d’une entente collective, soit résultant de l’interprétation ou de l’application d’une telle convention ou d’une telle entente. La traduction de la sentence arbitrale devra être certifiée, et les frais de traduction devront être assumés par les parties.
De façon similaire, une version française devra être jointe sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais par un tribunal judiciaire mettant fin à une instance ou présentant un intérêt pour le public. Les frais de traduction n’auront toutefois pas à être assumés par les parties.
Les dispositions auxquelles il est fait référence dans ce paragraphe entreront en vigueur deux ans suivant la date de la sanction de la Loi.
La Loi étend le processus de francisation, selon lequel une entreprise doit démontrer que l’usage du français est généralisé dans l’ensemble du milieu de travail, aux entreprises comptant entre 25 et 49 employés. Ainsi, à l’instar des entreprises comptant 50 employés ou plus, ces dernières devront désormais s’inscrire et obtenir un certificat de francisation auprès de l’Office québécois de la langue française (l’OQLF). Faute d’obtenir un certificat de francisation en raison de la non-généralisation de l’utilisation du français à tous les niveaux de l’entreprise, l’OQLF ordonnera à une entreprise d’élaborer et de mettre en place un programme de francisation qui devra être transmis à l’OQLF dans les trois mois de la réception de l’avis de l’OQLF à cet effet. Par la suite, l’entreprise aura l’obligation de (i) s’assurer que l’utilisation du français demeure généralisée à tous les niveaux et de (ii) transmettre un rapport en ce sens à l’OQLF tous les trois ans. Si après l’examen d’un tel rapport, l’OQLF estime que l’utilisation n’est plus généralisée à tous les niveaux de l’entreprise, il ordonnera à l’entreprise d’établir et de mettre en œuvre un plan d’action pour remédier à la situation après lui avoir donné l’occasion de présenter ses observations. Un employeur aura alors deux mois pour soumettre son plan d’action pour approbation à l’OQLF.
Ces mêmes entreprises ne seront tenues d’instituer un comité de francisation que si l’OQLF leur ordonne la création d’un tel comité après examen de l’analyse de leur situation linguistique.
L’application de ces règles aux entreprises comptant entre 25 et 49 employés n’entrera en vigueur que trois ans après la date de sanction de la Loi, soit en 2025.
La Loi élargit les pouvoirs de l'OQLF dans le cadre des inspections et des enquêtes qu’il mène.
En cas de manquement aux dispositions de la Loi, l'OQLF a le pouvoir d'ordonner à celui qui en est l'auteur de s'y conformer ou de cesser d'y contrevenir. En de pareilles circonstances, l'OQLF indique un délai à l'intérieur duquel l'auteur du manquement doit agir.
Finalement, la Loi accorde à l'OQLF le pouvoir de demander à un juge de la Cour supérieure de prononcer une injonction relativement à l'application de la Loi.
La Loi introduit de nouvelles sanctions civiles pouvant être imposées en cas de contravention à celle-ci. Dorénavant, les dispositions d'un contrat, d'une décision ou d'un autre acte causant préjudice par leur contravention aux dispositions de la Loi peuvent être frappées de nullité, à la demande de celui qui subit ce préjudice. Cela dit, au lieu de demander l'annulation d'un contrat, une partie à ce dernier peut opter pour son maintien et demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu'elle est justifiée de réclamer.
De plus, la Loi accorde une grande discrétion au tribunal, celle-ci prévoyant qu'il puisse également rendre toute ordonnance qu'il estime appropriée.
En cas de contravention répétée aux dispositions de la Loi, une entreprise s'expose à la suspension ou à la révocation d'un permis ou de toute autre autorisation qu'elle détient, et ce, malgré toute ordonnance ayant pu être rendue par l'OQLF et toute poursuite pénale entreprise à son égard en raison de telles contraventions.
La Loi augmente les montants des amendes pouvant être imposées en cas d'infraction à la Loi. Désormais, une personne physique qui contrevient à la Loi s'expose à une amende de 700 $ à 7 000 $, alors qu'une personne morale s'expose à une amende de 3 000 $ à 30 000 $. Ces montants minimaux et maximaux sont portés au double en cas de première récidive et au triple pour toute récidive additionnelle.
Par ailleurs, il est important de souligner que la Loi prévoit que les administrateurs seront présumés responsables en cas d'infraction commise par une personne morale, un agent, un mandataire ou un employé de celle-ci, d'où l'importance pour les administrateurs de faire preuve de diligence raisonnable et de prendre toutes les précautions nécessaires pour en prévenir la perpétration. En cas d'infraction à la Loi, un administrateur ou un dirigeant s'expose à une amende de 1 400 $ à 14 000 $ en cas de première infraction. Ces montants seront doublés en cas de deuxième infraction et triplés pour toute infraction subséquente.
La Loi prévoit que lorsqu'une infraction se poursuit pendant plus d'un jour, elle constitue une infraction distincte pour chaque jour durant lequel elle se poursuit, d'où l'importance d'agir rapidement pour se conformer à la Loi en cas d'infraction.
Bien qu’aucune disposition de la Loi ne le prévoie expressément, le Gouvernement du Québec a confirmé qu’il exigera que les entreprises de compétence fédérale (ex.: banques, entreprises de télécommunication et de transport interprovincial, etc.) se conforment, à l’égard de leurs opérations sur le territoire du Québec, aux dispositions de la Charte de la langue française, telles que modifiées par la Loi.
Les dispositions auxquelles nous faisons référence dans le présent article entreront en vigueur à compter de la date de la sanction de la Loi, à l’exception de celles pour lesquelles un autre délai est spécifiquement identifié.
La Loi comporte plusieurs modifications à l’égard du français à titre de langue du travail et impose de nouvelles obligations aux employeurs, avec comme objectif de renforcer le droit des travailleurs du Québec d’exercer leurs activités en français. Plusieurs employeurs faisant affaire au Québec devront conséquemment revoir leurs pratiques en matière linguistique afin de s’assurer de se conformer à ces nouvelles exigences.
Si vous souhaitez discuter des impacts que la Loi pourrait avoir sur votre entreprise ou pour toute question concernant vos droits et obligations, n’hésitez pas à communiquer avec un membre du groupe Droit du travail du bureau de Montréal.
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