La Cour d'appel de l'Ontario a récemment confirmé la décision de la Cour supérieure de l'Ontario dans l’affaire Ruparell v. J.H. Cochrane Investments Inc. et al., 2020 ONSC 7466, qui statuait que le demandeur et les défendeurs avaient conclu une promesse de vente valide et exécutoire, malgré le fait que la lettre d’intention avait expiré et que les contrats définitifs n'avaient pas été signés. Cette affaire montre à quel point il peut être risqué de continuer à négocier les modalités d’une entente après l’expiration de la lettre d’intention déterminant le cadre et les limites des négociations en question.
Le demandeur, Deepak Ruparell, a fait une offre d’achat non sollicitée en vue d’acquérir un concessionnaire automobile auprès des défendeurs, les propriétaires de Town and Country Volkswagen. Le demandeur et les défendeurs ont signé une lettre d’intention non contraignante relativement à l’achat par le demandeur du concessionnaire automobile propriété défendeurs et du terrain connexe. Les modalités de la lettre d’intention exigeaient la conclusion de contrats d’achat d’actions « définitifs, écrits et signés ». De plus, la lettre d’intention exigeait que les parties déploient des efforts raisonnables sur le plan commercial pour conclure l’opération proposée au plus tard le 15 avril 2020, et contenait une clause d’exclusivité interdisant aux défendeurs de négocier avec d’autres parties, ladite clause expirant en même temps que la lettre, soit le 15 avril 2020.
Les parties ont rédigé des contrats d’achat d’action et travaillé sur plusieurs versions de ces derniers en mars et au début d’avril. Vers le 13 avril, le demandeur a informé les défendeurs qu’il envisageait de se retirer de la transaction proposée en raison des répercussions économiques que la pandémie avait sur ses intérêts commerciaux. Toutefois, le 16 avril, le demandeur a présenté aux défendeurs une offre d’achat révisée, d’un montant moins élevé que son offre initiale, financée par voie d’un prêt hypothécaire accordé par le vendeur. Le demandeur et les défendeurs ont par la suite eu plusieurs échanges par courriel et plusieurs conversations téléphoniques dans le but de convenir des modalités de la transaction proposée et ont même préparé une liste préliminaire des modalités en question (term sheet). Les conseillers juridiques des parties ont révisé les contrats d’achat d’action conformément à ces échanges.
Le 28 avril, avant la signature des contrats d’achat d’actions révisés, les défendeurs ont reçu une offre plus élevée d’un autre concessionnaire Volkswagen. Le demandeur a insisté pour que les défendeurs concluent l’opération selon les modalités des contrats d’achat d’actions qu’ils s’apprêtaient à signer, mais, après avoir donné au demandeur la possibilité de déposer une nouvelle offre (ce qu’il a refusé de faire), les défendeurs ont décidé d’accepter l’offre du nouvel acheteur. Le demandeur a intenté une action en vue de faire exécuter l’entente qui avait été négociée.
Le tribunal a tranché en faveur du demandeur et a conclu que ce dernier avait établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existait une entente exécutoire entre le demandeur et les défendeurs, même si les contrats d’achat d’actions et le prêt hypothécaire n’avaient pas encore été finalisés et signés.
Pour rendre sa décision, la cour s’est fondée sur les principes suivants établis dans la jurisprudence :
Appliquant ce critère, la cour a conclu que, du point de vue d’un observateur objectif, les parties s’étaient entendues sur les modalités essentielles de la nouvelle transaction. La cour a souligné qu’au terme de plusieurs séries d’échanges au sujet des modalités révisée de la transaction, l’un des conseillers des défendeurs (qui travaillait dans un grand cabinet comptable) a laissé un message vocal au demandeur dans lequel il disait : [traduction] « Nous avons une entente ». Selon le témoignage du demandeur sur ce point, [traduction] « lorsqu’un homme d’expérience comme [lui] me revient au terme de nombreux échanges avec son client sur une période de huit jours et me dit que « nous avons une entente », je considère que c’est parce que nous avons une entente ». La cour a déclaré [traduction] : « C’est ainsi que M. Ruparell voyait les choses. Ce qui est plus important encore, c’est que c’est aussi la façon dont un observateur objectif regardant ce qui s’est passé, la nature des parties et les communications entre elles analyserait la situation. »
De plus, le juge de première instance a conclu qu’à la suite des autres négociations, les parties se sont comportées comme si elles avaient conclu une entente. Les conseillers juridiques des parties ont notamment révisé les contrats d’achat d’actions conformément aux dernières versions des textes, aux conversations téléphoniques et à la liste informelle des modalités (term sheet).
Mais qu’en est-il de la lettre d’intention? Comme nous l’avons mentionné plus haut, il y est expressément indiqué que des ententes « définitives, écrites et signées » étaient requises. L’autre conclusion importante de la cour en l’espèce est qu’après le 15 avril 2020, les parties ont entamé une nouvelle phase de négociations et n’étaient plus liées par leur lettre d’intention initiale. La cour a ajouté que les parties auraient pu modifier la lettre d’intention pour qu’elle reste en vigueur, mais qu’elles ne l’ont pas fait. La lettre d’intention était donc « effectivement échue » au moment où la nouvelle entente a été conclue le 24 avril. Par conséquent, l’exigence relative aux ententes« définitves, écrites et signées » ne s’appliquait plus.
Le tribunal a accordé au demandeur des dommages-intérêts de 5 millions $ CA, soit la différence entre l’offre de 19 millions $ CA qu’il avait déposée et l’offre de 24 millions $ CA déposée par la tierce partie.
À la lumière de cette décision, quelles mesures les parties et leurs représentants peuvent-ils prendre pour introduire davantage de certitude dans le cadre des négociations commerciales et pour s’assurer qu’il n’y a pas d’entente contraignante tant que les modalités de l’opération n’auront pas été consignées par écrit et signées par les deux parties?
Tout d’abord, les parties devraient s’assurer que leur lettre d’intention comporte un paragraphe à cet effet.
Les parties devraient également veiller à ce que leur lettre d’intention reste en vigueur pendant toute la durée des négociations. Assurez-vous de ne pas oublier la date d’expiration de la lettre!
Comme protection supplémentaire, les parties devraient envisager d’inclure dans leur lettre d’intention un paragraphe stipulant que l’exigence d’un accord formel, écrit et signé est contraignante et survit à l’expiration de la lettre d’intention, et qu’aucune discussion, négociation ou communication ultérieure au sujet des modalités relatives à l’achat des actifs visés (indépendamment du fait qu’elles soient fondamentalement différentes des modalités initiales) ne constituera un accord contraignant entre les parties à moins qu’un accord écrit formel préparé par les conseillers juridiques respectifs des parties soit signé. Une clause claire à cet effet pourrait réduire les risques dans l’éventualité où vous poursuivez les négociations après l’expiration de la lettre d’intention.
Peu importe ce que la lettre d’intention dit ou ne dit pas, les parties et leurs représentants doivent garder à l’esprit que leurs communications et leur comportement peuvent les lier à une entente, même en l’absence d’un document écrit signé. Les parties à une transactiondevraient donc faire preuve de prudence durant les négociations et se comporter d’une manière qui ne mènera pas à une telle conclusion. Les communications doivent indiquer que l’entente demeure conditionnelle à la signature d’un contrat écrit ou à l’approbation écrite finale des parties, et les parties et leurs représentants devraient s’abstenir d’affirmer qu’une entente existe avant la fin des négociations et la signature d’un contrat final.
Enfin, les parties devraient demander à leurs conseillers juridiques de participer à la rédaction de la lettre d’intention, et ce, même s’il s’agit d'un document court et non contraignant.. Votre conseiller juridique peut vous aider à vous assurer que la lettre ne crée pas par inadvertance des obligations juridiques contraignantes, que les conditions préalables sur lesquelles les parties s’entendent sont rédigées correctement et que les délais sont dûment consignés, au besoin.
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