Avec le retour en zone verte de l’ensemble des régions du Québec, plusieurs employeurs ont entamé ou préparent le retour au travail en présentiel d’une partie ou de l’ensemble de leur main-d’œuvre et se réjouissent du fait que le gouvernement ait assoupli les mesures de prévention applicables en milieu de travail. À titre d’exemple, le port du masque en continu n’est plus obligatoire (mais demeure recommandé) dans les lieux de travail, dans la mesure où la distanciation physique de deux mètres est respectée ou lorsqu’une barrière physique est installée.
Les assouplissements des mesures sanitaires étant toutefois largement tributaires de la progression de la couverture vaccinale au sein de la population, bon nombre d’employeurs se posent plusieurs questions en lien avec leurs droits et obligations relatifs à la vaccination de leur main-d’œuvre. En réponse à ces préoccupations, nous répondons aux cinq questions les plus fréquemment posées sur le sujet.
D’entrée de jeu, il convient de mentionner qu’aucun tribunal québécois ne s’est encore prononcé sur cet enjeu dans le contexte de la pandémie de COVID-19. La réponse à cette question pourrait donc évoluer au fil des développements jurisprudentiels et de la progression de la couverture vaccinale.
À ce stade, il est toutefois possible d’affirmer qu’une politique de vaccination obligatoire est susceptible de porter atteinte aux droits à l'intégrité de la personne, à la sauvegarde de la dignité et au respect de la vie privée des employés, lesquels sont protégés par la Charte des droits et libertés de la personne. Cette atteinte aux droits fondamentaux résulte du caractère envahissant du vaccin et du fait que l’information relative au statut vaccinal est un renseignement médical qui se situe au cœur de la sphère de vie privée de chaque individu. D’emblée, cela limite la capacité des employeurs d’exiger que leurs employés se fassent vacciner ou d’en faire une condition d'emploi.
Les droits fondamentaux n’étant toutefois pas absolus, il ne s’agit pas non plus d’une règle universelle et rigide. Au contraire, il est raisonnable de croire qu’un employeur pourrait adopter une politique prévoyant la vaccination obligatoire pour certains ou l’ensemble des postes au sein de son organisation, dans la mesure où il établit que cette exigence vise la poursuite d’un objectif légitime et important, et qu’elle constitue une mesure proportionnelle à cet objectif, c’est-à-dire qu’elle est rationnellement liée à l’objectif et que l’atteinte aux droits est minimale. L’employeur qui désire imposer la vaccination obligatoire pour certains postes particuliers pourrait également invoquer qu’il s’agit d’une exigence professionnelle justifiée.
Ainsi, la mise en place d’une politique de vaccination obligatoire peut certainement se justifier dans les milieux de travail où les employés interagissent de façon constante avec des personnes vulnérables ou dans ceux où les risques d’éclosion sont élevés. Nous pensons certainement aux hôpitaux et aux centres de soins de longue durée.
En ce qui concerne les autres milieux de travail, la situation est plus incertaine et devra être analysée au cas par cas. Pour prouver la légalité de leur politique de vaccination obligatoire, les employeurs des autres secteurs devront notamment démontrer qu’il existe des risques réels d’éclosion dans le milieu de travail, que la nature du travail permet difficilement le respect des règles de distanciation sociale, que l’adoption d’autres mesures de protection est complexe ou inefficace et que les conséquences d’une éclosion seraient particulièrement graves ou coûteuses.
Par ailleurs, un employeur dont l’employé refuserait de se faire vacciner alors qu’une telle exigence serait justifiée en regard des critères discutés ci-dessus serait en droit de prendre des mesures administratives affectant l’employé. Selon les circonstances, ces mesures pourraient aller de la modification des tâches de l’employé, à son déplacement vers un autre département, voire même à sa suspension sans rémunération (pour une durée déterminée). L'imposition de dépistages récurrents pourrait également être possiblement envisagée.
Il est important de noter que si le refus d’un employé de se faire vacciner est en lien avec l’existence d’un droit protégé par la Charte des droits et libertés de la personne, l’employeur pourrait avoir un devoir d’accommodement à l’endroit de celui-ci. Ce sera notamment le cas d’un employé refusant d’être vacciné en raison d’une invalidité documentée, d’un motif religieux ou d’une grossesse. Dans de telles situations, les employeurs devront envisager des mesures visant à minimiser autant que possible les conséquences négatives découlant du refus de vaccination. Ce devoir d’accommodement ne s’applique pas si le refus de se faire vacciner est uniquement basé sur le choix personnel de l’employé.
Plusieurs employeurs ont choisi d’offrir des incitatifs pour encourager les employés à se faire vacciner contre la COVID-19, par exemple la remise d’un montant d’argent ou d’une carte cadeau. Bien que rien ne s’y oppose, les employeurs doivent garder en tête que les personnes ne pouvant se faire vacciner en raison d’un droit protégé par la Charte des droits et libertés de la personne pourraient potentiellement contester cette pratique en invoquant qu’elle engendre une forme de discrimination.
Qu’il puisse ou non contraindre ses employés à se faire vacciner, un employeur peut juger utile de connaître le statut vaccinal de chacun des membres de son personnel. En effet, comme il revient à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique de ses employés, cette information peut notamment être pertinente afin d’adapter l’intensité des mesures de protection contre la COVID-19 qui seront mises en place au sein de l’organisation. Dans ce contexte se pose la question de savoir si un employeur peut contraindre ses employés à lui dévoiler s’ils sont ou non vaccinés.
Dans le réseau de la santé, le ministre de la Santé et des Services sociaux a clairement répondu à cette question en publiant un arrêté ministériel obligeant certaines catégories d’employés à fournir une preuve de vaccination contre la COVID-19 afin de pouvoir continuer à travailler dans des milieux considérés comme plus à risque. À ce stade, il nous apparaît toutefois improbable de croire que le gouvernement interviendra de manière aussi directe afin d’encadrer cette situation dans les autres secteurs, laissant ainsi planer une certaine ambiguïté.
D’abord, rien n’empêche un employeur de questionner ses employés sur leur statut vaccinal, que ce soit personnellement ou par le biais d’un sondage anonyme par exemple. Nous croyons toutefois que règle générale, les employés demeurent libres de refuser de fournir cette information et qu’un tel refus ne constitue pas une faute disciplinaire.
Ceci étant, lorsqu’un employé refuse de préciser s’il est vacciné, l’employeur est en droit de considérer qu’il ne l’est pas et d’agir sur la base de cette présomption. Dans les cas où l’employeur pourrait exiger que l’employé en question soit vacciné à titre d’exigence professionnelle justifiée, il pourrait notamment lui imposer les mêmes mesures administratives que s’il avait confirmé refuser de se faire vacciner (voir question no1 ci-dessus).
Cela dit, lorsque l’immunité collective sera atteinte, nous estimons que beaucoup moins d’importance sera accordée à de telles preuves de vaccination.
La question de savoir si un employé est vacciné ou non constitue un renseignement personnel sensible relatif au dossier médical de cette personne. Conséquemment, les lois en matière de protection des renseignements personnels interdisent à l’employeur de communiquer cette information à des tiers (ex. : clients de l’entreprise, collègues de l’employé) sans d’abord avoir obtenu le consentement préalable de ce dernier.
Il convient de noter que pour être valide, le consentement de l’employé doit être manifeste, libre, éclairé et être donné à des fins spécifiques. Ainsi, ce n’est pas parce qu’un employé a volontairement informé son employeur de son statut vaccinal qu’on peut considérer qu’il a implicitement autorisé celui-ci à communiquer cette information à des tiers.
L’article 12 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (« LSST ») prévoit qu’un travailleur a le droit de refuser d’exécuter un travail s’il a des motifs raisonnables de croire que l’exécution de ce travail l’expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir l’effet d’exposer une autre personne à un semblable danger.
Pour exercer un droit de refus au sens de la LSST dans le contexte de la COVID-19, le refus doit être justifié par un danger qui se rattache à un ou des facteurs de risques associés à la COVID-19. Ces facteurs pourraient notamment être liés à l’âge de l’employé ou à une maladie particulière qui l’exposerait à un danger réel en cas d’infection par la COVID-19. Une peur qui est non fondée sur un danger objectif ne saurait constituer un motif suffisant pour pouvoir refuser de travailler avec un collègue qui n’aurait pas été vacciné. De plus, ni la Loi sur la santé et la sécurité du travail ni la Loi sur les normes du travail n’offre de protection à un travailleur dont le conjoint ou une personne à charge est porteur d’une condition le rendant plus vulnérable aux complications de la COVID-19. Ainsi, un droit de refus ne pourrait être justifié par la condition médicale d’un tiers puisqu’il s’agit d’une situation étrangère au milieu de travail.
Selon les données actuelles, le vaccin préviendrait non seulement le développement des symptômes plus graves liés à la COVID-19, mais aiderait également à réduire la transmission de la COVID-19. De ce fait, il est difficile de concevoir qu'un travailleur ayant été vacciné pourrait refuser d’exécuter son travail en invoquant que le fait de travailler avec un collègue non vacciné l’exposerait à un danger objectif pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.
Il est important de noter que certains travailleurs ne peuvent refuser d’exécuter un travail dangereux. C’est le cas lorsque le danger est inhérent à l’emploi occupé ou constitue une condition normale de celui-ci. C’est également le cas lorsque le refus de travailler mettrait directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d'une autre personne.
La Commission des normes du travail, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (« CNESST ») indique sur son site internet qu’un travailleur qui aurait été vacciné contre la COVID‑19 dans le cadre de son travail et qui développerait une lésion à la suite de l’administration du vaccin pourrait avoir droit aux prestations offertes par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).
Pour avoir droit à ces prestations, le travailleur doit :
Pour que la vaccination soit considérée comme administrée à l’occasion du travail, un employé pourrait démontrer que la vaccination a un lien de connexité avec son travail, est utile à son accomplissement, ou encore, profite à l’entreprise de l’employeur. La jurisprudence a reconnu que la vaccination qui est faite sur une base volontaire ne rompt pas nécessairement le lien de connexité avec le travail.
Il est pertinent de souligner qu’un employé qui refuserait ou négligerait de se faire vacciner pourrait voir sa réclamation refusée par la CNESST en cas de blessure ou de maladie. En effet, le fait de ne pas se faire vacciner pourrait être considéré comme étant de la négligence grossière et volontaire de la part de l’employé. L’article 27 de la LATMP prévoit « qu'une blessure ou une maladie qui survient uniquement à cause de la négligence grossière et volontaire du travailleur qui en est victime n’est pas une lésion professionnelle, à moins qu’elle entraîne le décès du travailleur ou qu’elle lui cause une atteinte permanente grave à son intégrité physique ou psychique ne soit pas une lésion professionnelle ». La jurisprudence a défini la négligence grossière comme étant « celle découlant d’un acte volontaire d’un employé, avec témérité, insouciance déréglée eu égard à sa sécurité 1 ». En ce sens, l’employé ayant contracté la COVID-19 à la suite d’un refus injustifié de se faire vacciner pourrait voir sa réclamation refusée, dans la mesure où son refus pourrait être qualifié de négligence grave. Toutefois, on ne pourrait pas parler de négligence grossière dans le cas d’un employé ayant une condition médicale particulière l’empêchant de se faire vacciner ou encore si ce dernier refuse de se faire vacciner pour des motifs protégés par la Charte des droits et libertés de la personne.
Si vous avez d’autres questions ou si vous avez besoin de plus amples renseignements, n’hésitez pas à communiquer avec l’une des auteures ou avec un membre de notre groupe de droit du travail.
[1] Aménagements Fleurs-O-Pavé inc. et Dubé, 2017 QCTAT 2137.
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